Objet : Kea Trader
Monsieur,
Depuis plusieurs mois, nous vous avons adressé moult courriers papier et électroniques relatifs à l’échouement du Kea Trader et ses suites, courriers auxquels à notre grande surprise, vous n’avez pas répondu à une exception près (1).
Outre que votre silence nous apparaît inexplicable, il est aussi de très mauvais aloi, une démocratie ne pouvant s’accommoder de « petits secrets ».
Nous vous adressons donc ce jour une lettre ouverte dont nous espérons qu’elle retiendra toute votre attention.
Nous remercions par avance les médias de nous aider à « faire accoucher » ceux qui savent et taisent…
Nous sommes dans le dixième mois après l’échouement du porte-conteneurs. Nous n’avons à cette heure pas été destinataires des pièces dont nous souhaitons disposer: rapport d’accident, journal de bord, trace AIS, échanges du navire avec l’armateur et les autorités etc. A noter que ces documents sont forcément « prêts » (sauf peut-être le rapport d’accident) puisqu’ils existaient dès le premier jour du sinistre. Alors pourquoi un si long silence ? La CADA, saisie par EPLP, devrait se prononcer rapidement sur le caractère communicable de ces pièces.
Nous, Calédoniens, souhaitons vous faire entendre nos inquiétudes chaque jour plus fortes quant à la gestion du dossier Kea Trader.
En effet, si les « autorités » affirment régulièrement « tout mettre en œuvre pour éviter toute pollution », le résultat de leurs actions n’est manifestement pas à la hauteur, ni de leur investissement, ni de nos attentes...
Ce manque évident de maîtrise ne laisse pas de nous préoccuper puisque chaque jour qui passe détériore un peu plus les morceaux d’épave et provoque de nouveaux désordres, au grand dam de la population, notamment celle des îles Loyauté.
De plus, les informations très partielles que lesdites autorités donnent au compte-gouttes et sous la pression ne satisfont pas notre légitime curiosité (2)…
Nous vous rappelons que nous vous avons demandé la mise en place d’un comité de suivi du dossier Kea Trader auquel nous participerions et où nos questions trouveraient des réponses appropriées. Sans résultat…
Nous souhaitons notamment savoir ce que les containeurs encore à bord contiennent.
Quels sont les produits dangereux et corrosifs chargeant 7 de ces conteneurs ? On a entendu parler de “peintures, solvants…”), c’est largement insuffisant !
Nous attendons une identification internationalement reconnue (avec notamment le numéro CAS) ainsi que les phrases de risque associées à chacun (voir note 3 pour l’exemple des solvants).
Et en quelle quantité ces substances dangereuses sont-elles présentes à bord ?
Quels seraient leurs effets potentiels immédiats et différés, locaux et plus lointains, sur l’environnement en cas de déversement en mer ?
Ces 7 conteneurs susceptibles de « poser problème » pourront-ils être vidés rapidement ? Ou doit-on s’attendre à ce que leur contenu se déverse en mer ????
Les mêmes questions se posent pour les 35 conteneurs qui sont désormais dans l’eau ou échoués.
Que contenaient-ils ?
En quelle quantité ?
Est-ce que leur contenu a pu ou peut être à l’origine de pollutions ? Dans l’affirmative, un suivi environnemental des zones concernées par un déversement a-t-il été organisé ? Si oui, avec quelles conclusions ? Si non, pourquoi ?
Au travers de ces quelques rappels, nous pensons vous avoir convaincu que nous ne pouvons plus longtemps nous contenter de bribes d’informations approximatives.
D’autre part, lorsque nous avons connu (par des tiers bienveillants mais pas par la voie officielle) le scénario d’enlèvement des morceaux d’épave de la société chinoise mandatée par l’armateur, la Shanghai Salvage Co, nous avons exprimé nos vifs doutes quant à sa mise en oeuvre dans les dures conditions de houle du récif Durand. Aujourd’hui, ces conditions de mer demeurent mais les morceaux d’épave sont largement abîmés. Alors, une nouvelle question vient: dans l’état actuel et futur prévisible de l’épave la « solution chinoise » ne doit-elle pas être réévaluée par des experts indépendants ?
Dans l’attente anxieuse de votre prompte réponse, recevez, Monsieur le Haut-Commissaire, nos meilleures salutations citoyennes.
Pour EPLP, la Présidente, Martine Cornaille
(1) Vous nous avez informés de ce que les résultats d’analyses effectuées sur les hydrocarbures du porte-conteneur et des « boulettes » échouées étaient détenus par le procureur de la République et donc non communicables.
(2) Plus que le nombre des communications c’est leur qualité qui compte. Avancer pour se justifier la publication d’une trentaine de communiqués « vides » ne vaut pas dédouanement…
(3) A titre d’exemple, vous trouverez ci-après un extrait de http://www.inrs.fr/risques/solvants/ce-qu-il-faut-retenir.html
(Institut national de recherche et de sécurité)
“Aucun solvant organique n'est inoffensif.”
et des informations sur les solvants (5 fiches) à http://www.unil.ch/unisep/home/menuinst/telechargements/fiches-de-securite-chimique.html