Au journal officiel de la NC du 2 août 2018, deux arrêtés du gouvernement « relatifs à l’agrément temporaire de substances actives (SA) et à l’homologation temporaire de produits phytopharmaceutiques à usage agricole » nous ont fait voir rouge !
Ces arrêtés sont dérogatoires, « pris » hors de la procédure « normale ». Personne n’a jamais JUSTIFIE utilement de leur nécessité auprès des membres du comité consultatif des produits phytopharmaceutiques auquel nous appartenons (et sur la composition duquel nous sommes extrêmement critiques !). Première anomalie…
Deuxième anomalie, lorsqu’on regarde les dates de fin d’autorisation, on sursaute… Certaines vont à 2032 !!!! C’est du « TEMPORAIRE » ça ????
L’un des arrêtés liste 33 substances actives NOUVELLES (parmi lesquelles nombre de CMRP = cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens sans parler des T et T+) s’ajoutant aux 67 déjà autorisées (total 100) et 58 produits commerciaux NOUVEAUX les contenant qui s’ajoutent aux 83 déjà en vente (total 141) !
Le second liste deux SA et deux produits interdits en Union européenne. Excusez du peu…
L’agriculture calédonienne se voit donc « dotée » règlementairement de 102 SA et 143 produits les contenant.
Ben mazette, 50% de plus d’un seul coup d’un seul, ce n’est pas rien !
NB : eu égard à ce qu’elle produit, on s’interroge sur leur efficacité (cf plus loin récentes données INRA)…
La question qui se pose est la suivante : pourquoi tant d’insistance de la Chambre à multiplier SA et produits ? La réponse officielle est celle-ci : « afin d’éviter les résistances ». On comprend le souci.
Mais la réponse vaut-elle lorsque ce sont 24 insecticides qui sont autorisés, 27 fongicides et 34 herbicides ?
Le « turn-over » ne nécessite pas pareille pléthore !
Alors, vous vous en doutez, la réponse est ailleurs et elle ne laisse pas d’inquiéter…
Lorsqu’un agriculteur utilise un pesticide, il doit le faire conformément aux « bonnes pratiques agricoles ». C’est-à-dire respecter usage, dosage, fréquence, délai avant récolte etc. Cela permet en bout de chaîne que la quantité de résidu présente dans la culture ne dépasse pas la LMR autorisée (pour limite maximale de résidu) (1). Chaque substance a sa LMR.
Imaginez que l’agriculteur répète souvent l’application du MEME produit… Les résidus vont s’ajouter aux résidus et sa culture sera trop « chargée », impropre à la consommation. La solution est donc de changer de substance active. Ainsi la culture contiendra beaucoup de résidus différents mais TOUS en deçà de la LMR. Le tour est joué, la culture est conforme. Et peu importe que l’environnement et les consommateurs soient exposés à des cocktails de toxiques !
UFC Que Choisir a été plus réactive qu’EPLP : elle a déjà déposé des recours en annulation de ces deux décisions gouvernementales. Afin d’unir nos forces nous lui avons proposé de nous porter en intervention volontaire. Nous attendons sa réponse.
A noter que, dans le même temps, le gouvernement et la Chambre d’agriculture communiquent largement sur la signature d’une convention visant à l’adoption d’un plan écophyto (2) et d’un autre consacré à l’agriculture biologique. Pour le bien-être des « responsables », nous leur rappelons que des médecins spécialisés soignent la schizophrénie (3)…
A ce stade, nous souhaitons vous informer de ce que l’INRA et l’Université de Rennes viennent de publier des résultats de nature, nous l’espérons, à remettre en cause les certitudes bien ancrées du monde agricole : L’AGRICULTURE BIO EST PLUS EFFICACE CONTRE LES MALADIES QUE LES TECHNIQUES CONVENTIONNELLES ! (4)
Pour EPLP, la Présidente, Martine Cornaille
(1) les LMR calédoniennes sont fixées par une délibération qui date de 1996. Elles n’ont pas été révisées malgré l’insistance de notre association… Nous demandons à ce qu’elles soient, a minima, adossées au référentiel européen. Aujourd’hui, certaines sont largement plus élevées qu’en UE, parfois d’un facteur 100 !
(2) EPLP le demande depuis 2010 ! Notre association n’est pas favorable à ce qu’il soit conduit par la Chambre d’agriculture, juge et partie.
(3) rappelons par ailleurs que les produits phytopharmaceutiques sont exonérés de toute taxe. Notre association réclame qu’ils soient SURTAXES !
(4) in Nature Substainability: "En utilisant deux méta-analyses distinctes, nous démontrons que par rapport aux systèmes de cultures conventionnels, l’agriculture biologique favorise la lutte antiparasitaire (…)".
Autrement dit, les pesticides, présentés comme nécessaires et efficaces contre les maladies, le sont en fait moins que l’agriculture bio qui n’utilise pas d’intrants chimiques.
Les chercheurs se sont focalisés sur trois catégories de bioagresseurs : les ravageurs (insectes, acariens, vers…), les agents pathogènes (champignons ou bactéries) et les plantes adventices (mauvaises herbes). "Les systèmes de culture conduits en agriculture biologique subissent des niveaux d’infestations par des agents pathogènes plus faibles que ceux conduits en agriculture conventionnelle".
Concernant les ravageurs, ils sont présents à un taux similaire dans l’agriculture bio et dans la conventionnelle. Les mauvaises herbes sont plus présentes en bio. C’est d’ailleurs leur présence qui permet de lutter au mieux contre les maladies et les ravageurs, expliquent les auteurs.
Ces résultats "ouvrent des perspectives d’intérêt pour réduire l’utilisation de fongicides ou d’insecticides de synthèse sans pour autant augmenter les niveaux d’infestation des pathogènes et des ravageurs", concluent les chercheurs.
A bon entendeur !