Les services compétents en matière de santé et de lutte anti-vectorielle communiquent sur la nécessité de procéder à des épandages d'insecticides afin de protéger la population de la dengue. Cette année, en Calédonie, on a compté 8 500 cas de dengue.
Se posent donc quelques questions : pourquoi autant de cas ? La lutte anti-vectorielle serait-elle inefficace ? Les Aedes aegypti auraient-ils développé une résistance à la deltaméthrine ?
DASS et SIPRES disent « appliquer les préconisations OMS ». Alors comme préconisé par cet organisme, la surveillance entomologique et les tests d'évaluation de résistance ont-ils été effectués avant la mise en œuvre des épandages ? Il semble que l'institut Pasteur n'ait testé que les moustiques de Nathalo (Lifou). Pourquoi pas ceux du grand Nouméa ? A t-on agi pendant tout ce temps « en aveugle » ? Cela est fort à craindre et expliquerait la flambée épidémique de cette année...
L'OMS insiste aussi sur le fait que les efforts des particuliers ET DES COLLECTIVITES doivent porter SURTOUT sur la lutte larvicide. Combien sommes-nous à n'avoir jamais reçu la visite de techniciens compétents en matière de « chasse aux gîtes » et / ou à n'avoir jamais eu entre les mains un dépliant d'information expliquant pourquoi et où chercher les gîtes ?
Nous nous réjouissons cependant d'apprendre que, conformément à notre demande, la lutte larvicide est devenue une priorité. En attendant des actes le démontrant...
A monsieur le chef du SIPRES, je veux demander s'il a obtenu des habitants de Rivière Salée, concernés par les épandages de malathion, un « CONSENTEMENT ECLAIRE » ? On peut en douter compte tenu du déni généralisé (quand ce n'est pas de l'ignorance !) de la dangerosité des substances actives utilisées...
Et si le malathion a bien été abandonné en raison de l'apparition d'une résistance, pourquoi le réutiliser à Rivière Salée ? C'est à n'y rien comprendre !
A madame l'ingénieur sanitaire de la DASS, je veux dire que toutes les fiches de sécurité consultées concernant le malathion stipulent de « ne pas former de brouillards » car alors la toxicité est augmentée en raison d'un passage direct de la substance active dans le sang au travers des poumons... N'a t-elle jamais vu, par exemple à Rivière Salée, des passants qui, aux alentours de 5 heures du matin, marchent vers leur transport collectif ou l'attendent en bord de route ? Ou des collégiens et lycéens nouméens qui, sur leurs deux roues, ne peuvent dépasser le véhicule d'épandage dans les côtes ? Les uns et les autres respirent abondamment le brouillard d'insecticide (et le cas échéant, de solvant !) ...
Vivre dans un environnement sain est un droit constitutionnel. Je peux choisir de ne pas utiliser d'insecticides domestiques; je voudrais aussi pouvoir choisir de ne pas exposer mes enfants aux produits d'épandage et pour cela en être avertie. Est-ce là une demande exorbitante ? A l'heure où tout un chacun reçoit par exemple les vœux gouvernementaux ou l'annonce du classement d'une partie de nos lagons par SMS, cela ne devrait pas être impossible !
A monsieur l'entomologiste, je veux dire que non, ce n'est pas la dose qui, en l'espèce, fait le poison. La littérature scientifique récente est très claire ; c'est la fin d'un dogme en toxicologie...L'exposition chronique aux très faibles doses EST dangereuse pour un certain nombre de substances (pesticides ou non) et semble bien l'être pour de nombreuses autres.
Le malathion est interdit en France hexagonale et en UE.
Selon la DASS et l'Institut Pasteur, cela résulte du fait que les fabricants ont omis d'en redemander l'homologation. Bizarre que la même omission existe de façon concomitante chez plusieurs fabricants... Notre interprétation est la suivante : constituer un dossier de réhomologation est coûteux et les industriels y renoncent s'ils n'ont pas de « bonnes » chances de voir leur demande aboutir. Je prends donc date et donne rendez-vous aux précités dans quelques mois : nous jugerons alors s'il s'agit bien d'une « négligence » ou d'une impossibilité d'obtenir gain de cause en raison de l'extrême toxicité et / ou écotoxicité de la substance.
Lors d'un récent reportage TV, la référence citée par les mêmes n'était pas l'OMS mais les autorités canadiennes. Or celles-ci OBLIGENT à l'INFORMATION des résidents, qui, au plus 7 jours avant et au moins 48 heures avant sont prévenus par DEUX moyens différents (parmi lesquels dépliants, presse, radio, TV) des épandages de malathion. Ils reçoivent entre autres, les consignes de se calfeutrer avec leurs animaux domestiques et de remiser jouets, linge, aliments...Des recommandations particulières sont faites aux personnes « à risque » : enfants, adolescents, femmes enceintes ou en âge de procréer, insuffisants respiratoires. Et ici ? RIEN ! Pire encore, on nous dit : « ouvrez grand portes et fenêtres » sans aucune mise en garde !
Extraits d'un rapport OMS relatif à la lutte contre la dengue : « On a également introduit avec un certain succès de petits poissons et des copépodes (= petits Crustacés) se nourrissant des moustiques. ». Et encore à propos des épandages : « l'effet est cependant passager et variable , les gouttelettes d'aérosols ne pénétrant pas forcément à l'intérieur des maisons et n'atteignant pas forcément les micro-habitats où des moustiques sont séquestrés. En outre, cette méthode est onéreuse et très lourde à mettre en œuvre. Pour guider le choix d'insecticides, il est nécessaire de vérifier périodiquement la sensibilité du vecteur...Les efforts de lutte doivent s'accompagner d'une surveillance active des populations naturelles de moustiques pour déterminer l'impact du programme. »
8 500 cas de dengue et 3 décès survenus chez des patients fragilisés par d'autres pathologies, ce qui correspond à une mortalité de 0.035 %. A côté de cela, les cancers sont devenus en Nouvelle Calédonie la première cause de mortalité (26% des décès). Le taux de cancer de la thyroïde y est chez les femmes 17 fois le taux mondial et 8 fois chez les hommes. Une personne sur dix y est diabétique. L'espérance de vie à la naissance y est de près de 7 ans inférieure à ce qu'elle est dans l'hexagone ou inférieure de 2 ans à celle des Polynésiens... Qui s'interroge sur le pourquoi ? Et sur le comment y remédier ?
Les substances actives insecticides dont il est question ici sont « cancérigène » pour l'une (« statut non identifié » pour l'autre), « perturbateur endocrinien certain » pour l'une et « suspecté » pour l'autre. Le malathion est une molécule parmi les plus neurotoxiques (dites PAN Bad Actors ), c'est aussi un reprotoxique possible, sa toxicité est accrue pour les enfants et adolescents...Il faut préciser que les impuretés et le solvant utilisé peuvent présenter une toxicité propre et augmenter celle de la substance insecticide, et que certains métabolites ( = produits de dégradation ) sont encore plus dangereux.
Avant de conclure, il est important d'ajouter que malathion et deltaméthrine sont de plus, hautement toxiques pour la vie aquatique et les abeilles...
A notre initiative, nous avons rencontré à trois reprises des représentants des services précédemment cités. Nous voulons leur redire ici que nous souhaitons une analyse des bénéfices / risques de ces épandages, tant au plan sanitaire (applicateurs et population générale) qu'environnemental. Cela sera, certes, difficile mais cela est possible.
Ensuite, nous leur demandons de tenir sur les substances utilisées en la matière, un discours de vérité qui seul, permettra à la population de se responsabiliser.
Nous réaffirmons qu'en matière de santé, l'accent doit être mis sur la prévention et que le principe constitutionnel de précaution doit s'appliquer. Il est nécessaire de renforcer la lutte larvicide et de recourir à des alternatives en matière de lutte adulticide.
Enfin, nous formons le vœu de voir la Nouvelle Calédonie s'attacher à combler le vide juridique qui permet ici l'utilisation de substances très dangereuses sans qu'aucune réglementation n'en précise le cadre.
Pour EPLP, Martine Cornaille
Pour connaître les mesures prises à la Réunion lors des épandages de deltaméthrine, consulter : http://www.reunion.sante.gouv.fr/dossier_chik/intervention1.pdf