Début 2011, EPLP était alerté par un couple d’adhérents, inquiets de sa forte imprégnation par le mercure (analyses capillaires primitives et plasmatiques de confirmation). En conséquence, l’association adressait dès le 28 mars un courrier au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour obtenir les résultats des analyses faites régulièrement par ses services (DAVAR) sur le mercure dans les poissons.
Après moult relances, le directeur-adjoint de la DAVAR répondait finalement oralement à la présidente « ces résultats, vous ne les aurez jamais ». Considérant que cette communication était de droit, le Conseil d’Administration de l’association décidait de saisir la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) (courrier du 10 juin 2011) laquelle devait se prononcer sur ce dossier en sa séance du 22 septembre après prise de contact préalable avec l’administration concernée. Coïncidence ??!! Nous avons reçu les résultats tant attendus le 16 septembre…
Les résultats communiqués confirment malheureusement notre stupeur devant l’omertà et la non conformité régulière des échantillons de nombreux poissons si l’on prend en compte la teneur maximale recommandée par l’Europe de 1 µg par gramme de chair de poisson pélagique (le méthylmercure est bioaccumulé dans l’organisme des grands poissons qui se nourrissent des plus petits, et en contiennent par conséquent des quantités beaucoup plus élevées que les poissons n’appartenant pas aux espèces prédatrices).
A réception des documents et alors qu’entretemps la DASS a enfindiligenté une enquête sur les parturientes, EPLP peut affirmer qu’il y a quelque chose qui ne va pas au royaume des services en charge de vérifier la salubrité de nos aliments et de veiller sur notre santé. Rappelons que le SIVAP, c’est ce même service dont l’avis sur l’homologation de pesticides dangereux va régulièrement à l’encontre des avis réservés ou défavorables de la DASS ou de la DET (et d’EPLP !). Rappelons aussi que c’est un ingénieur sanitaire de la DASS qui nieen commission technique de SCALAIR réunie le 28 septembre dernier la dangerosité du malathion épandu en zone urbaine…
Si l’on sait qu’en Europe, entre 3 et 15 millions de personnes vivent avec des taux de mercure proches du seuil supérieur de sécurité recommandé, et que certaines d’entre elles ont même des taux dix fois plus élevés que ce seuil, on ne sait rien ou presque de la situation qui prévaut chez les Néocalédoniens…
Et pourtant, depuis 2005 au moins, le SIVAP dispose de résultats préoccupants d’analyse de chair de poissons. Qu’on en juge : une seule ration (200 g pour un adulte, 125 g et 75 g pour les enfants, respectivement entre 5 et 11 ans et entre 1 et 4 ans) d’un certain grand pélagique (cas extrême) représente 130 fois le seuil maximal chez un adulte, 280 fois ce seuil chez une femme enceinte, 380 fois chez un enfant de 5 à 11 ans et 460 fois chez un enfant de 1 à 4 ans ! Vous avez bien lu : 460 fois ! Depuis plusieurs années donc, des poissons inexportables car dépassant le seuil de contamination admissible en Union européenne, métropole et DOM sont vendus chez nous sans aucune mise en garde adressée aux consommateurs et ce, alors que les services n’ignorent pas leur toxicité…
Or la consommation de poisson contaminé est l’une des causes principales de l’exposition humaine au méthylmercure et les groupes les plus sensibles à ce composé, sont les foetus, les nourrissons et les enfants en bas âge parce qu’il empêche un bon développement cérébral. A noter qu’en raison de leur facilité de préparation, on s’expose à une forte contamination en privilégiant la consommation de thon et autres pélagiques, au détriment de poissons du lagon.
Les pays de l’Union européenne (dont France incluant Antilles-Guyane et Réunion), les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Polynésie française… ont édicté depuis longtemps, voire très longtemps, des recommandations à destination de leur population. Mais pas la Nouvelle-Calédonie où il a fallu attendre août 2011 pour cela et encore, sous la pression... Il est proprement scandaleux que les services de santé du territoire, forcément au fait de cette problématique, ne s’en soient pas emparés en temps et en heure.
A ce jour, l’état des lieux local et les recommandations restent « un peu courts »…Qu’on en juge:
- la norme retenue par la DASS, ancienne, est supérieure à lanorme OMS/ FAO la plus récente
- plus d’une parturiente sur quatre (27 %) consommant des pélagiques a un taux de mercure capillaire dépassant la norme OMS de 4.46 µg/g de cheveu ; le risque est donc fort pour elles et leurs enfants et on est loin des conclusions rassurantes de la DASS
- le seuil de danger retenu par la DASS est supérieur à lanorme OMS/ FAO la plus récente (14 µg/g contre 4.46 µg/g) ; on précise que cette norme est régulièrement revue à la baisse…
- si les fœtus et les enfants sont en danger, ils ne sont pas les seuls. Quid des personnes âgées qui bioaccumulent ce toxique tout au long de leur vie ? Quid des gros consommateurs de poissons, voire des consommateurs exclusifs de poissons (comme source de protéines animales) ? Quid aussi des pêcheurs sportifs qui privilégient la consommation de leurs prises appartenant aux catégories de poissons incriminées ? Et quid de ceux qui cumulent plusieurs de ces caractéristiques ?! Il est vrai qu’en si peu de temps, il était impossible aux services de se mettre à niveau en identifiant et envisageant tous les groupes à risque…
- la taille des portions n’est pas précisée par la DASS (or passer de 100 à 200 g fait doubler la dose de mercure !)
- les habitudes alimentaires des divers groupes ethniques de Néocalédoniens sont inconnues comme on ignore s’il existe des disparités de consommation entre hommes et femmes, enfants, jeunes adultes et personnes âgées
- où se situe l’incidence des malformations congénitales chez nos enfants ? La DPASS sud n’a-t-elle pas donné une alerte qui mériterait une suite ?
- ne pourrait-on envisager un lien entre le niveau d’imprégnation mercurique et des maladies neurologiques telle que la maladie de Parkinson ?
Le grand public devrait être clairement informé que la consommation d’une seule portion de poisson chargé en mercure équivaut à la quantité maximale de mercure pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois ou années ! EPLP dispose d’une vingtaine de résultats d’analyses capillaires de membres et sympathisants qui, toutes, font apparaître des taux préoccupants de mercure. Il faut se pencher sur le pourquoi de cet état de fait.
Nous nous interrogeons : le SIVAP a-t-il alerté les autorités sanitaires et/ou l’exécutif du territoire ? Si non, son attitude est coupable, et si oui, pourquoi ces derniers n’ont-ils rien fait pour protéger les populations ? Osons une explication… Serait-ce encore et toujours la même « logique » de la prééminence de l’économique qui a prévalu ? « Ne pas faire de vague » pour ne pas gêner les affaires ! La pêche est une filière importante en Nouvelle-Calédonie et il y a une conserverie à protéger… A moins que ce ne soit de la négligence…
A ce stade que pouvons nous faire, en tant que citoyens calédoniens soucieux de notre santé et de celle de nos proches ? Vérifions que les restaurants scolaires fournissent des repas respectant lesrecommandations en ce qui concerne l’exposition des enfants au mercure. Demandons à notre poissonnier d’afficher les informations idoines sur la présence de mercure dans les poissons et au revendeur de conserves ou de surgelés de faire de même. Diligentons des études d’exposition et d’imprégnation des divers groupes humains de la Nouvelle-Calédonie.
Et puisque la source la plus importante des émissions de mercure dans l’environnement est la combustionde charbon, exigeons des autorités une réduction de la production d’énergie d’origine fossile en optant résolument pour la production d’énergie propre…
Pour EPLP, Martine Cornaille