Un projet de pisciculture vient d’être porté sur les fonds baptismaux par le CCDTAM. Il est question de construire une écloserie de loche truite et de pouatte pour 576 millions d’argent public. Ce sont là deux espèces carnivores… « Ils » n’ont donc rien compris ! Les gribouilles continuent !
Oui, l’aquaculture peut-être une solution au « vidage » des océans (sous conditions !) mais non, « on » ne doit plus élever d’espèces carnivores que l’on nourrit avec des farines et des huiles de … poissons sauvages ! La rentabilité énergétique est, dans ce cas, une aberration. Il faut par exemple 4 à 6 kg de sardines ou d’anchois par kg de saumon et 8 à 20 kg / kg de thon rouge… Même si une partie de ces poissons provient des déchets de pêche, les prélèvements spécifiques dans les océans sont colossaux (1/5 à 1/4 des prises totales). Cela met la ressource en péril et entraîne la disparition des oiseaux, phoques, dauphins et poissons prédateurs faute de nourriture dans les zones de pêche.
Une remarque sanitaire : de grandes zones de pêche sont polluées au point que les poissons sauvages qui y vivent accumulent les polluants (ex. dioxines en mer du Nord et en Baltique). Et ces polluants se retrouvent dans les farines ! Ils sont ensuite concentrés dans la chair des poissons d’élevage qui les consomment.
La pisciculture est aussi responsable de graves pollutions (par la nourriture, les traitements -dont antibiotiques, antifongiques, pesticides -, et les excréments). Une étude norvégienne estime que les rejets d’une ferme aquacole sont comparables à ceux d’une ville de 50 000 habitants (on peut d’ailleurs s’interroger sur les impacts de nos fermes à crevettes…).
Alors, quoi faire ? Tout d’abord choisir des espèces de poissons herbivores (dont l’alimentation est peu onéreuse ce qui peut permettre de limiter la densité sans hypothéquer la rentabilité -ex. picot rayé (Siganus lineatus) et picot tacheté (Siganus fuscescens)) ou dawa, sédimentivores (ex. mulets) ou omnivores –la biodiversité de la Nouvelle-Calédonie est telle qu’elle doit permettre de trouver aisément des espèces intéressantes ! Attention ! Pas d’introduction d’espèces ! - . Ensuite, éloigner les cages du littoral ou élever en « piscines fermées », privilégier les élevages « bio » de faible densité et surtout s’orienter vers des poly-élevages ou « systèmes d’aquaculture multi-trophique intégrée ». Un exemple : on associe parc à saumons, parc à moules et varech. Les excédents de nourriture favorisent la prolifération du varech et d’algues microscopiques dont se nourrissent les moules. On fait d’une pierre quatre coups ! Trois espèces valorisables au lieu d’une et disparition de la pollution par résidus d’aliments et déjections. Une expérience canadienne montre qu’il n’y a pas de contamination (5ième coup !) et que le « système » est largement viable.
Pour les espèces d’eau douce, les cultures riz-poissons et les « systèmes aquaponiques » sont aussi développées. Dans les premiers, les excréments de poissons fertilisent la rizière et contrôlent les mauvaises herbes et les insectes nuisibles en s’en nourrissant ; dans les seconds, les effluents d’aquaculture, riches en substances nutritives, sont utilisés pour la culture de légumes, de fleurs ou d’herbes (sans terre).
Qu’attendons-nous en Calédonie pour innover en matière d’aquaculture ? Pourquoi faire « comme partout ailleurs » alors que l’on sait que partout ailleurs, on va dans le mur ?
Dans l’optique du développement durable, l’aquaculture de demain devra impérativement respecter l’environnement et, pour cela, être, comme l’agriculture, écologiquement intensive. Si le « système » n’est pas durable, il se développe dans un premier temps mais lorsque les dégradations apparaissent, le « système » s’effondre sans guère de possibilité de « récupération ».
On estime qu’en 2030 l’aquaculture mondiale produira plus de protéines aquatiques que les prélèvements océaniques. A quel prix cette première place sera-t-elle obtenue ? La question se pose aussi en Nouvelle-Calédonie. Si « l’industrialisation » de la mer semble nécessaire pour satisfaire la demande de protéines de qualité, attention au prix à payer en termes de coûts environnementaux ! Ne dépassons pas les capacités de production et d’autoépuration de la mer ! Et donc exigeons de nos gribouilles qu’ils revoient leur copie !
NB : quels sont les scientifiques qui ont été associés à l’étude de ce projet ? Et quelles associations environnementalistes ?