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Soutenance de thèse F. Baumann

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Soutenance de thèse F. Baumann

[singlepic id=136 w=320 h=240 float=left]"Le mésothéliome malin pleural en Nouvelle-Calédonie : analyse spatiale et déterminants environnementaux ­ facteurs de risque d'exposition à l'amiante naturel"

 

 

sous la codirection de Pr. Henri Bonnel (ERIM) et Mcf. Hdr.Bernard Robineau (IRD)

 Mardi 12 octobre 2010 à 14h00 - Grand amphithéâtre de Nouville

 

Résumé
Introduction. L’amiante est un terme qui regroupe principalement deux familles de minéraux silicatés fibreux : les serpentines et les amphiboles, dont seulement six minéraux sont utilisés pour l’industrie et recherchés par les laboratoires d’analyse agréés. L’inhalation de fibres d’amiante est responsable de cancers du poumon et de mésothéliomes malins pleuraux. Dans l’environnement naturel, l’amiante est souvent associé aux serpentinites. En 1980, des analyses minéralogiques ont dénoncé la présence de fibres d’amiante dans des échantillons de minerai de nickel provenant de Nouvelle-calédonie (NC). Une étude établissait cependant en 1995 le lien entre les excès de cas de cancers pleuraux et le blanchissement des habitations avec une chaux locale, appelée « ».
Nos travaux de recherche se sont déroulés suivant quatre étapes : nous avons d’abord étudié la distribution des incidences des cancers en NC afin de vérifier l’incidence anormale des mésothéliomes et des cancers pulmonaires, puis nous avons conduit une étude cas-témoins sur les mésothéliomes malins pleuraux pour identifier les groupes et les communes à risque, ainsi que les principaux facteurs de risque ; en troisième étape nous avons mené des enquêtes épidémiologiques, géologiques et minéralogiques dans les secteurs à plus forte incidence, enfin nous avons analysé les clusters de la maladie et réalisé une étude écologique à l’échelle des tribus.
 
Objectifs. Les principaux objectifs étaient de cibler les populations à risque, d’étudier les variations spatiales et temporelles du mésothéliome en NC et d’analyser les associations avec les différents facteurs environnementaux.
 
Méthodes : Nous avons d’abord étudié les incidences standardisées sur l’âge à la population mondiale des cancers à partir des données du registre du cancer de Nouvelle-Calédonie, ainsi que leur évolution sur les 30 dernières années. Puis nous avons comparé les mésothéliomes malins pleuraux diagnostiqués de 1984 à 2002 inclus, avec des témoins issus du registre. Le , l’activité minière et la présence de serpentinite dans le sol ont été analysés de façon uni et multivariée, d’abord qualitative en comparant les communes de résidences des cas de mésothéliome, avec celles sans cas, puis quantitative à l’aide de la régression linéaire.
La troisième étape consistait à reconstruire l’histoire résidentielle et professionnelle des cas de mésothéliome dans les régions à plus haut risque, à rechercher toutes les sources d’amiante possible dans l’environnement géologique et à vérifier la présence de fibres par l’analyse minéralogique des échantillons. Puis l’ensemble des cas de méspthéliome enregistrés de 1984 à 2008 inclus a été investigué (109 cas). Nous avons mené une étude écologique sur les 100 tribus d’un large secteur d’étude, incluant les zones à plus haut risque et des régions sans cas. Les clusters spatiaux, temporels et spatio-temporels ont été analysés. Les associations avec les facteurs environnementaux ont été évaluées en utilisant la régression logistique et la régression de Poisson. Les intervalles de confiance des taux d’incidences, des odds ratios (OR) et des incidences rates ratios (IRR) sont donnés à 95%, sous l’hypothèse que la distribution observée suit une loi de Poisson.
 
Résultats : L’analyse des cancers enregistrés sur les 30 dernières années en Nouvelle-Calédonie montre la sur incidence des cancers respiratoires et des mésothéliomes malins dans les deux sexes, en particulier chez les Mélanésiens en Province Nord. Soixante-huit cas de mésothéliome ont été inclus dans l’étude castémoins.
Le groupe le plus touché était celui des Mélanésiens, avec un OR de 16,18 (95% CI : [5.68; 49.64]) comparé aux Européens, et un sexe ratio proche de 1 confirmant une exposition environnementale dès l’enfance pour ce groupe. Deux secteurs à risque étaient mis en évidence : Houaïlou-Bourail (35% des cas) et Koné- Touho-Poindimié (20% des cas). L’activité minière et le n’étaient pas significativement liés à l’incidence, alors qu’une relation significative était mise en évidence entre le mésothéliome et la présence de serpentinite dans le sol (p = 0.017).
Au cours de nos enquêtes, nous avons constaté l’existence de nombreuses carrières de serpentinite, dont le principal minéral fibreux était l’antigorite. Nous avons aussi découvert que le n’était pas toujours trémolitique ; il pouvait être fait à partir de corail, d’argile ou de silice selon les régions. L’usage du a disparu dans la région de Houaïlou à partir des années 1960, alors qu’il était utilisé jusqu’à la fin des années 1990 dans certaines tribus de Poya et de Hienghène.
La plus forte incidence de mésothéliome était observée à Houaïlou (ASR=128.7 pour 100,000 personnes-années; 95%CI: 70.41–137.84), où un cluster spatial significatif rassemblait 18 tribus (31 cas observés vs 8.12 cas attendus, p=0.001). Deux autres clusters, non significatifs, ont été retrouvés à Koné et à Poindimié ; aucun cluster temporel n’a été identifié. Les analyses écologiques ont identifié la présence de serpentinite sur routes comme étant le principal facteur de risque: OR = 495.0, 95%CI: 46.2–4679.7; multivariate IRR=13.0, 95%CI: 10.2-16.6. Le risque croit avec la surface de serpentinite, la proximité aux carrières de serpentinite et la distance au massif de peridotite. L’association de la maladie avec les serpentines, en particulier l’antigorite, est plus importante qu’avec les amphiboles. Une forte pente, ainsi qu’une couverture végétale dense, apparaissent comme des facteurs protecteurs.
L’utilisation du trémolitique n’est pas associée avec l’incidence de la maladie.
 
[singlepic id=135 w=320 h=240 float=left] Conclusions: Notre étude a montré que l’utilisation de serpentinite pour encaillasser les routes représente un facteur d’exposition majeur à l’amiante en NC. Il est urgent de terminer le recensement des carrières de serpentinite, d’en interdire l’utilisation et de les neutraliser, et d’en faire de même pour les routes recouvertes avec ce matériau.
Nos travaux ont également montré que l’antigorite pouvait libérer des fibres dangereuses pour la santé humaine. Ce minéral devrait être ajouté sur la liste des fibres d’amiante à rechercher dans les analyses d’échantillons d’origine environnementale.