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Une nouvelle infrastructure routière à 1,38 milliard ????

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Une nouvelle infrastructure routière à 1,38 milliard ????

Les embouteillages constituent pour EPLP une préoccupation majeure en matière de qualité de vie des Calédoniens, de gaspillage énergétique et de pollutions, locales et globales.

Malheureusement, nous notons que l’aménagement du rond-point Berthelot est une nouvelle preuve que les actions municipales et provinciales s’articulent ENCORE autour de l’utilisation intensive de l’automobile, et nous le regrettons.

Nous pensons plutôt que des alternatives à l’automobile doivent être défendues et mises en place sans délai. En effet, tant les perspectives socio-économiques (en particulier le renchérissement des carburants et les contraintes budgétaires des collectivités) que les nuisances environnementales liées à l’automobile conduisent la plupart des villes modernes, depuis une vingtaine d’années, à des politiques volontaristes visant à la réduction de l’usage de la voiture. Or, un projet comme celui mis en cause ne s’inscrit absolument pas dans cette dynamique (cf étude d’impact : « augmentation attendue du trafic routier du fait de l’infrastructure »).

La réalisation d’un investissement annoncé à 1,38 milliard de FCFP (après 1.5 milliard pour l’échangeur de l’Etrier il y a peu…)  interpelle et aurait dû, particulièrement dans le contexte évoqué ci-dessus, faire l’objet d’un débat public qui aurait pu conduire à l’étude de solutions alternatives participant d’une politique responsable et respectueuse de l’environnement pour le bien-être de tous les usagers de la route (nous insistons sur « tous » !) et des riverains, actuels et futurs.

Si cette infrastructure est bien susceptible d’améliorer UN  PEU,  ET  SEULEMENT A  COURT  TERME, UN point noir routier, il sera sans effet positif sur les problèmes de circulation automobile en amont et en aval …

Ce projet coûteux est un projet de court terme, « aspirateur à voitures », non justifié, polluant, dangereux et contraire au PADD. Il détourne d’importants fonds publics de projets alternatifs structurants.

Concernant l’étude d’impact (remise en mairie de Nouméa le mercredi 12 juin à 17 h), son analyse conduit EPLP à déplorer qu’un  projet de cette ampleur n’ait pas une justification technique inattaquable et ce, après exposé complet de toutes les solutions qui ont été étudiées puis écartées (elles sont absentes du document). Nous savons que 6 autres variantes d’aménagement ont été proposées par un bureau d’études techniques et peut-être d’autres encore par les services de la province sud. Les services techniques de la mairie nous ont assurés quant à eux que la variante choisie était la seule qui n’interrompait pas la circulation et que c’est cela qui avait guidé le choix municipal. Encore faut-il le prouver ! En effet, il est difficile de croire que les spécialistes cités plus haut n’aient pas pris en compte cet aspect… La mairie aurait-elle raison seule contre tous ? On a du mal à le croire. Nous pensons plus à un caprice...

Dans cette étude, nous trouvons mention :

-        De l’impact de l’échangeur en matière de pollutions locales pour les populations riveraines, en particulier atmosphérique et acoustique (page 95…).

-        De l’incidence négative de l’afflux de véhicules et du pont sur la sécurité de la VDO et des rues résidentielles (notamment rue Unger) (pages 43, 70 et 85…). Le raccordement sur la rue Unger est prévu à proximité immédiate de l’école Griscelli… Ce n’est évidemment pas du tout raisonnable !

-        De la difficulté des déplacements à pied et en vélo, ainsi que celle des personnes à mobilité réduite. Nous notons que la distance de radio Djiido au seul supermarché de la zone sera de près de 2 km (4 km aller-retour !) ce qui est rédhibitoire pour un accès non motorisé (ce sont donc les personnes les plus démunies qui en pâtiraient).

-       De la disparition d’un espace-vert sportif (il sera coupé en deux et la sécurité fera défaut…cf page 65). A l’heure où nombre de jeunes Calédoniens sont en déshérence, il nous semble incompréhensible de les priver d’une aire de jeux (pas de compensation prévue) et de socialisation.

-       De la proximité de la maison de quartier et de l’aire de jeux pour enfants…

Mais par ailleurs, la prise en compte des transports collectifs, si elle existe, n’est pas visible

Nous y trouvons aussi confirmation que le projet ne répond pas aux deux grandes orientations du PADD: limiter l'extension urbaine et construire la ville sur elle-même. Il contribue au contraire à favoriser l'installation des ménages en périphérie de la ville (Dumbéa, Païta cf page 82).  Cet équipement empêche parallèlement  l'exploitation  de son assise foncière pour construire la ville sur elle-même et limiter la circulation et ses nuisances…

Ce projet  ne s'inscrit donc pas dans les visions à long terme de l'agglomération décrites dans le PADD. En favorisant les voitures, il augmente pollutions et dépendance économique à une ressource dont la raréfaction et la flambée du prix sont inéluctables. Ce choix est une fuite en avant attirant toujours plus d'automobilistes et générant toujours plus de congestion, la « solution » préconisée étant un leurre qui n'atteint nullement son objectif.

Faut-il donc dépenser 1,38 milliard de francs pour une infrastructure que nos enfants voudront démolir comme les villes modernes  démolissent aujourd'hui autoponts et autoroutes urbaines ? (Extrait de Lyon-Info : « Ce lundi 2 août 2010 ont débuté les travaux visant la démolition de l’autopont de Mermoz à LYON.  Construction d’une époque où l’automobile était reine, l’autopont qui défigurait le quartier depuis 1972 devrait disparaitre d’ici le 20 août. Le viaduc était emprunté par 85.000 voitures par jour… »).

La conception des infrastructures routières mérite la prise en considération d'alternatives anticipatrices de l'avenir, ce que le choix  fait par la municipalité et la province sud ne saurait réaliser.

En favorisant  les voitures au grand dam des piétons, des cycles, des riverains (y compris des activités économiques de la zone) et des générations futures, cet investissement apparaît comme un gaspillage d'argent public dans une vision de court terme qui ne résoudra nullement la congestion dans des perspectives futures: les effets de ce type d’infrastructure sont en effet bien de générer plus de trafic et finalement plus de congestion.  Qui peut imaginer Galliéni et Ferry à court terme (2016) avec 30, voire 50 % (2036) de véhicules supplémentaires ?

EPLP demande que le choix des solutions se fasse véritablement sur des considérations urbanistiques, humaines et environnementales de moyen et long termes.

La construction d'infrastructures routières à foison n'a résolu les problèmes de congestion dans aucune ville du monde (et surtout pas dans celles ayant une configuration de presqu'île comme Nouméa !). C'est pour cela que ces infrastructures sont aujourd'hui détruites. Les solutions avancées par la mairie et la Province Sud ne résoudront pas la congestion du Grand Nouméa, c’est un mensonge que de le prétendre.

Nous insistons également sur le fait que l’analyse comparée des coûts collectifs et des avantages, sans et avec le projet, démontre que le projet provoque un renchérissement des externalités négatives supportées par la société civile de 20 à 30 % (page 95).

En page 43, on lit ceci : « le carrefour Berthelot limite les déplacements routiers aux heures de pointe ; il freine aussi l’étalement urbain…et limite le nombre de véhicules dans le centre ville ». Mais en voilà de bonnes choses ! Beaucoup de principes de développement durable sont là ! Et voilà qu’avec ce projet, on en prend le contrepied (page 82) ! Les solutions sont AUTRES !

Ce projet prend place pour partie sur une parcelle que le PUD (ancien et nouveau) classe en zone naturelle…

-       les zones naturelles sont très peu nombreuses dans la Ville de Nouméa

-       le classement indique que ce site présentait voici plusieurs années (longues années !) un intérêt écologique… S’il a perdu ce caractère, c’est parce que la mairie de Nouméa a failli à sa conservation. Aujourd’hui rien n’est dit sur les herpétofaune, avifaune, myrmécofaune … ni sur leurs effectifs susceptibles d’être encore présents. Quant à la végétation, si l’essentiel est bien constitué de mimosas comme il est dit, on aimerait savoir de quoi est constitué le reste… (pages 55, 34 « présence peu probable » mais pas de certitude !). La surface défrichée totale est de 1.3 hectare, presque la moitié sur cette zone. Ce n’est pas rien…

-       le PUD comporte deux réserves d’emprises sur cette zone : une pour cet aménagement et une pour le TCSP ; outre le fait que le PUD a été modifié postérieurement à l’étude d’impact, ces deux réserves conduisent à la quasi-disparition de la zone naturelle.

-       aucune mesure compensatoire n’est envisagée relativement à la perte définitive de cet espace naturel public, aux  modifications définitives du paysage et de l’environnement économique, à la disparition d’un espace vert…

-       l’étude d’impact n’a pas été mise à disposition du public durant un mois comme exigé, la province étant également maître d’ouvrage pour ce qui concerne le rond-point et la VDO, et ce, même si la Ville en a reçu la délégation.

-       il n’y a pas eu de débat public.

S’agissant d’un projet qui fait grief aux intérêts que nous défendons et dont la réalisation ne présente pas de bénéfice réel pour la population, bien au contraire, nous n’avions pas d’autre alternative que d’aller au contentieux pour nous faire entendre. Puisqu’il n’y a pas eu concertation en amont, nous avons dû utiliser les moyens de droit susceptibles de nous faire aboutir.

A ce jour, « on » veut nous amener sur le terrain des conséquences économiques de l’arrêt du chantier. Nous observons que des intérêts divergents se font jour : de court terme pour les « rouleurs », de plus long terme pour les commerçants de la zone et leurs salariés…

Nous refusons d’être le bouc émissaire des uns ou des autres. Les erreurs d’appréciation et règlementaires ont été commises par la municipalité de Nouméa et la province sud.

Leurs conséquences, toutes leurs conséquences, doivent être assumées par elles.

Pour EPLP, la Présidente

Marine Cornaille