Nouméa le 12 mai 2015
A Monsieur H. Debarnot,
Commissaire enquêteur centrale DBOE
Objet : mémoire EPLP / enquête publique centrale DBOE
Monsieur,
Dûment mandatée par notre conseil d’administration valablement réuni le 12 mai 2015 (cf présentation d’EPLP), nous avons souhaité vous expliquer ci-après pourquoi nous n’irions pas « plonger » dans le détail des quelques milliers de pages de documents mis à la disposition du public par la société DBOE.
En premier lieu, nous vous rappelons que la Convention d’Aarhus indique que « la participation commence au début de la procédure lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ».
La participation du public doit donc se faire à un stade où il est encore possible de faire évoluer sensiblement les projets.
Où est ici le bilan des concertations préalables ?
Il n’existe pas faute de réunionS d’information et d’échanges avec le public préalables à l’ouverture de l’enquête publique que vous dirigez.
Et de fait, une seule hypothèse est aujourd’hui soumise à consultation, celle d’une centrale tout charbon dont les Calédoniens ne veulent pas (cf pétition ayant recueilli près de 8 000 signatures calédoniennes remise au président Hollande).
La décision du choix du charbon exclusif est venue d’EN HAUT, d’ERAMET-SLN et de l’Etat via une pseudo mission composée de deux fonctionnaires d’un Etat actionnaire (où était donc leur indépendance ?) et tous deux ingénieurs (donc de fait culturellement éloignés des enjeux géopolitiques, sanitaires, climatiques et de biodiversité…) mais la société civile calédonienne n’y a pas été associée et elle la rejette.
Depuis décembre 2012 nous attendons communication des études des alternatives au charbon et au gaz, notamment des alternatives mixtes. A l’évidence, ces alternatives n’ont pas été étudiées sérieusement et les études en question n’existent pas…
En bref, il ne peut être question pour EPLP de cautionner une consultation de façade…
En effet, et de façon générale, nous contestons la désignation discrétionnaire des commissaires enquêteurs par les présidents de province ; dans l’hexagone c’est le Président du Tribunal Administratif qui choisit sur les listes d'aptitude départementales un EPLP, N'Géa - BP 32008 - 98 897 NOUMEA Cedex - NOUVELLE-CALEDONIE Site internet : http://eplp.asso.nc – Courriel : eplp.asso@gmail.com Page 2/4
titulaire et un suppléant commissaire enquêteur ce qui est un gage de compétence et d’indépendance. Aucune liste n’existe ici et aucune procédure n’encadre leur désignation dans les codes de l’environnement provinciaux.
Dans ces conditions, le public calédonien ne dispose pas de l’assurance de l’absence de conflit d’intérêt des commissaires enquêteurs. Nous ignorons si oui ou non, les commissaires enquêteurs, dont vous, signent une déclaration sur l’honneur attestant qu’ils n’ont pas d’intérêt personnel au projet, plan ou programme.
De plus, nous contestons l’absence de contrôle des données mises à disposition du public et émanant du pétitionnaire ou de bureaux d’étude qu’il rémunère. Le très faible nombre d’acteurs est une spécificité calédonienne dont il devrait être tenu compte dans l’organisation des procédures…
NB : nous ne vous cachons pas que compte-tenu du feu vert que vous avez donné à Goro Nickel en 2007-2008, nous sommes sur la défensive s’agissant de votre nouvelle désignation.
Nous contestons encore que l’industriel prenne la désastreuse situation actuelle comme « état initial ». Polluer, même au niveau actuel, n’est pas un droit ! En toute logique, il lui faudrait considérer l’état antérieur à son installation (voir article 1er Charte de l’environnement : «Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé»). Evidemment l’adoption de cette « référence » sert les desseins du pétitionnaire qui veut nous faire « gober » son projet charbon. Mais n’importe quel équipement ferait mieux que l’actuel, obsolète ! Et là encore on en est arrivé à ce stade parce que l’industriel n’a JAMAIS considéré qu’investir pour moderniser ses équipements était une priorité (voir article in Le Chien Bleu n° 207 de mai 2015). Pourtant la protection de notre santé et de notre environnement « le valait bien »…
Nous rappelons que l’ANSES dans son avis 2007-006 indique : « il n’y a pas de seuil en deçà duquel la pollution atmosphérique est sans effet ».
Alors même le mieux annoncé (mais pas toujours prouvé…) n’est pas suffisant !
Nous dénonçons le pseudo bilan carbone avancé ; les versions de la SLN varient… Dans une FAQ (http://www.sln.nc/faq), on lit + 4% pour les rejets de CO2, et ailleurs réduction de 13% de ces rejets « à puissance égale ». Or la puissance passera de 160 à 180 MW ; elle ne sera donc pas égale. La volonté de gruger de la SLN est manifeste, toujours, partout !
NB : son directeur de centrale n’a pas hésité à se présenter sur une radio sous une fausse identité (émission « La Matinale » de Radio Nouvelle-Calédonie 1ère le 5 mai 2015) !
Et voilà que la SLN appelle ses salariés, retraités et famille à participer en masse à l’enquête publique via un mel interne -cf annexe- !
Et quid des émissions de méthane (au PRG 25 fois supérieur à celui du CO2 !) lors de l’extraction du charbon ? Et quid encore des émissions de CO2 lors de son transport ?
Rien, silence, on trompe !
De plus, les moyens proposés pour réduire le bilan carbone (une partie des cendres seraient utilisées par le cimentier local, des recherches sur un « green cement » seraient en cours) sont HYPOTHETIQUES. On note que l’argument du recyclage des cendres était déjà le même pour Prony énergie qui devait recycler 100% de ses cendres chez le cimentier local; au final c’est 0 %… Et en supposant que ces projets et recherches aboutissent, cela ne concernerait QUE 30 % des volumes de cendres. Qu’adviendrait-il du reste ????
NB : avec 2 millions de tonnes de scories, 80 000 T de cendres et 30 000 T de gypse produites annuellement + au bas mot 2 000 T de poussières émises dans l’atmosphère par le site de Doniambo (sans parler des impacts de son exploitation minière sur la biodiversité terrestre, dulçaquicole et marine…), la SLN fait de notre île la « Poubelle-Calédonie ».
Et ce triste bilan n’inclut pas les tonnages annuels de mercure, HAP etc. émis dans l’atmosphère notamment via la production électrique. Pauvres de nous !!!! EPLP, N'Géa - BP 32008 - 98 897 NOUMEA Cedex - NOUVELLE-CALEDONIE Site internet : http://eplp.asso.nc – Courriel : eplp.asso@gmail.com Page 3/4
600 000 T de charbon importées annuellement et combien de spores, d’insectes etc. indésirables en leur sein ? Idem calcaire etc. ? Qui parle de biosécurité ? Pas la SLN…
Qu’est-ce qu’un sol de « qualité industrielle » ? Quel /s est /sont le/s polluant/s incriminé/s dans ce qui est décrit comme une « pollution organique » du sol dans la zone destinée à recevoir la centrale ? S’agit-il comme nous l’on dit des témoins de fûts de PCB que la SLN a enfouis au lieu de les exporter pour traitement conforme (et ce, alors qu’elle a été payée pour cela !) ? On veut savoir, centrale ou pas centrale !
Nous vous indiquons encore que :
- le choix du charbon exclusif contrevient à tous les engagements nationaux et internationaux de la France et de la Nouvelle-Calédonie. La lutte contre le changement climatique est déclarée PRIORITE NATIONALE et cela s’applique à la Nouvelle-Calédonie,
- les Calédoniens sont très préoccupés par le niveau de leurs émissions de CO2 qui les placerait avec cet équipement sur le podium des plus gros émetteurs du monde per capita avec 36.8 T / an / hab. (source gouvernement de la NC),
- ils craignent particulièrement les conséquences de ce choix désastreux au plan international et notamment dans la zone Pacifique où nos voisins sont déjà « sous l’eau » et condamnés à un exil définitif (en attendant que cela concernent ici les Loyaltiens…) (cf « Déclaration de Lifou » du 30 avril 2015, particulièrement ses articles 7, 12, 13 et 20),
- ils sont aussi préoccupés par le niveau de dépendance de la Nouvelle-Calédonie aux énergies fossiles qui serait encore renforcée et passerait de 98 à plus de 99 % via l’augmentation de puissance. Importer du charbon, c’est créer des emplois dans les mines et les ports charbonniers australiens mais pas en Nouvelle-Calédonie. Notre archipel dépense 60 milliards CFP chaque année pour acheter son énergie fossile alors qu’il dispose de quantité de soleil, d’eau, de vent et de la mer… Faut-il persister dans cette gabégie ?
- ils estiment que la transition énergétique en Nouvelle-Calédonie ne peut pas concerner les seuls particuliers et collectivités : elle DOIT concerner AUSSI les 3 métallurgistes qui consomment 80 % de l’électricité de notre territoire,
- ils veulent tout mettre en oeuvre pour conserver un équilibre climatique viable pour leur santé et l’environnement, local et global, et par respect pour les générations futures,
- ils ne veulent plus subir une insupportable pollution atmosphérique, à Nouméa notamment, et s’interrogent sur la pertinence du remplacement d’un équipement électrique alors que le reste du site est très délabré et est la cause de nuisances sanitaires et environnementales très importantes, déjà très largement suffisantes au « bonheur » des Calédoniens…,
- ils n’ignorent pas qu’en plus de ses effets délétères sur le climat, le CO2 est responsable de l’acidification des lacs et des océans et donc qu’il hypothèque gravement la survie de l’ensemble des communautés aquatiques et donc la nôtre,
- ils dénoncent l’octroi d’aides financières publiques à un tel équipement climaticide et écocide polluant durant 40 ans à 50 ans ; on parle de 54 milliards FCFP (29 milliards pour la NC et 25 milliards pour l’hexagone) sur un total de 120 milliards soit près de 50 % ! En période de disette budgétaire, que l’on sait durable, elle, cela est incompréhensible,
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Les critères qui ont conduit l’industriel à ce choix désastreux sont la disponibilité et le faible coût du charbon. Son « petit » calcul ne tient pas compte des externalités négatives de son choix. Pourquoi ? Parce que TRADITIONNELLEMENT le coût de ces externalités repose exclusivement sur la société civile qui désormais ne veut plus payer, dans sa chair et celle de ses enfants, ou via ses cotisations, taxes et impôts.
Nous précisons que la « valeur » des seules émissions de GES de DBOE sur 40 ans est estimée par EPLP à plus de 4 milliards d’euros (base : 32 euros / T éq. CO2 en 2018 et 100 euros en 2040) soit 480 milliards CFP. A l’évidence ce « détail » a échappé à la SLN lorsqu’elle a dit du charbon que c’était le « meilleur choix économique »… Mais pas à nous, pauvres payeurs !
La SLN compenserait-elle à hauteur de ce qu’elle devrait ? La réponse ne fait pas de doute…
L’industriel argue que l’essentiel de l’électricité produite dans le monde vient du charbon et que la production de Doniambo est infinitésimale par rapport à cette production. Cet argument n’est pas recevable si on prend en compte les préconisations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui demande avec obstination depuis son 1er rapport de 1990, la diminution puis l’arrêt des émissions de gaz à effet de serre et donc l’abandon du charbon et affirme que les émissions de GES doivent baisser maintenant pour empêcher la déstabilisation définitive du climat.
M. Hollande, président de la République française et M. Valls, son premier ministre ont annoncé en février 2015 la fin des aides au charbon pour les pays en développement…
La France et la Nouvelle-Calédonie vont-elles s’auto absoudre de leurs responsabilité « comme d’ordinaire » ????
Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à la présente et vous adressons nos meilleures salutations citoyennes.
Pour EPLP, la Présidente,
Martine Cornaille