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Quelle politique énergétique, quelle politique économique pour la Nouvelle-Calédonie ?

Quelle politique énergétique, quelle politique économique pour la Nouvelle-Calédonie ?
Une intervention de Valery Pasco lors de la Journée mondiale contre le réchauffement climatique du samedi 8 décembre 2007. Toujours d'actualité !
 
Il y a quelque mois, l’interview d’un ancien cadre de la société ENERCAL parue dans les Nouvelles-Calédoniennes était ainsi titrée : « Les énergies renouvelables ne sont pas la solution ».
C’est malheureusement vrai, en Nouvelle-Calédonie tout au moins.
 
L’île de La Réunion, qu’à EPLP on aime citer en exemple aux autorités calédoniennes, même s’il est vrai que la situation n’y est pas, à certains égards, tout à fait identique à celle de la Nouvelle-Calédonie, s’est dotée il y a 4/5 ans d’un plan de développement des énergies renouvelables et de maîtrise de la consommation énergétique, le PRERURE.
 
Dans le cadre de ce plan, La Réunion s’est fixée 2 objectifs :
1°/ être autonome en matière de production électrique d’ici 2025,
2°/ être autonome en matière de consommation énergétique d’ici 2050.
 
La Réunion peut se permettre un tel plan et de tels objectifs parce que son économie le lui permet, en l’occurrence parce qu’il n’y a pas de métallurgie grosse consommatrice d’énergie.
 
Rappelons que, ici, en Nouvelle-Calédonie, la seule usine de Doniambo consomme à elle seule les 2/3 de l’électricité produite en Nouvelle-Calédonie. C’est dire les quantités phénoménales d’énergie dont ont besoin de telles usines métallurgiques.
 
Rappelons aussi qu’à l’heure actuelle, 80 % de l’électricité produite en Nouvelle-Calédonie le sont à partir d’énergie fossile, essentiellement le fuel lourd.
97% de l’énergie consommée en Nouvelle-Calédonie proviennent de ces mêmes énergies fossiles.
C’est dire l’extrême vulnérabilité du Pays en matière énergétique.
 
Cette situation de vulnérabilité et de dépendance ne vont faire que s’accroître avec le développement des nouveaux projets métallurgiques en cours de développement lesquels, pour fonctionner, auront besoin de centrales électriques alimentées à partir d’une énergie fossile grosse émettrice de CO 2 : le charbon.
 
Or, il est clair que nous allons vers une crise énergétique majeure. Les énergies fossiles devenant de plus en plus rares alors que la demande ne cesse de croître, nous assisterons, selon une loi économique fondamentale, la loi de l’offre et de la demande, à une augmentation irrésistible du prix de ces énergies. C’est vrai pour le pétrole dont le prix se rapproche des 100 $ le baril actuellement, mais c’est aussi vrai pour le charbon qui, le pétrole se faisant de plus en plus rare et cher, va voir la demande se reporter sur lui et donc son prix augmenter.
 
La Nouvelle-Calédonie a fait le choix, parce que l’industrie métallurgique le lui dicte, des centrales électriques au charbon, ces mêmes centrales qui produiront l’électricité nécessaire à la consommation publique.
 
Nous risquons donc de payer dans 10,15, 20 ans…, du fait des choix qui sont faits aujourd’hui le kwh au prix fort.
 
On voit donc que les choix des moyens énergétiques sont intimement liés aux choix économiques.
 
En s’engageant délibérément dans le développement de la métallurgie du nickel, la Nouvelle-Calédonie engage aussi l’ensemble de la population vers une dépendance énergétique dont on ne sait vers quoi elle nous conduira.
 
Nous nous retrouvons dans une situation de triples dépendances : dépendance vis-à-vis du charbon ; dépendance vis-à-vis d’une activité très fluctuante, le nickel ; et dépendance vis-à-vis des décisions des multinationales.
 
Les moyens financiers considérables mis en œuvre, notamment sous forme de défiscalisation n’auraient-ils pas été mieux employés à la mise en place d’un plan de maîtrise de l’énergie et de développement des énergies renouvelables ?
 
A ces considérations purement économiques et stratégiques, on peut ajouter des considérations environnementales.
 
L’activité du nickel a un impact direct et local sur notre environnement. Les mines et les infrastructures qui les accompagnent affectent directement les écosystèmes. Rappelons ici le coût estimé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de la réhabilitation des 20.000 hectares dégradés sur la Grande Terre au cours des 150 ans d’exploitation minière : 160 milliards de F/CFP.
 
L’activité du nickel a également un impact global sur l’environnement par la production de CO2 et donc participe au réchauffement climatique et à l’acidification des océans.
 
On a maintenant une idée des conséquences que vont avoir ces phénomènes en Nouvelle-Calédonie (étude réalisée par le centre de Nouméa de Météo France) : élévation de la température moyenne ; sécheresses accrues ; élévation du niveau de la mer avec des conséquences sur le littoral et les îles basses, Ouvéa notamment…Mais qu’elles seront aussi les conséquences sur l’agriculture, les écosystèmes, les récifs,… ?
 
Les constats qui précèdent nous conduisent à demander que :
 
 . La Nouvelle-Calédonie s’engage dès à présent dans un processus de sortie progressive (30-40 ans) de l’économie fondée sur le nickel,
 
. Cette période et les bénéfices tirés de l’activité du nickel soient mis à profit pour développer une économie (industrie de transformation locale, tourisme local, agriculture, sylviculture, recyclage des déchets,…) et une production énergétique alternative,
 
. La Nouvelle-Calédonie se dote d’un véritable plan de maîtrise de la consommation d’énergie et de développement des énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, géothermie,…) à l’instar de celui de la Réunion,
 
. Des mesures incitatives (tarif de rachat du kWh, subventions, prêts à taux réduit,…) soient adoptées afin de permettre à tout un chacun de produire sa propre électricité,
 
. Les industriels compensent le CO2 qu’ils émettent.