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Hardis les propos de M. Lurel !

Hardis les propos de M. Lurel !

Réaction à l’annonce de Mr Lurel concernant la centrale à charbon de la SLN et à la publication du rapport d’experts. 

Nous nous déclarons très choqués et très préoccupés par l’annonce de Mr Lurel du 30 septembre dernier.

En effet, si un tel choix semble (« semble » seulement …) être le meilleur au plan économique, il ne peut être le « plus efficace au plan environnemental » comme l’a dit le Ministre. N’importe quelle solution de remplacement de l’actuelle centrale est effectivement une « bonne » solution environnementale tant l’actuelle est polluante (la faute à la SLN qui n’a pas programmé son remplacement dans les délais qui s’imposaient). Mais pour autant, le combustible charbon n’est pas en soi une « bonne solution » ni a fortiori la « meilleure solution » !

Une telle affirmation est irrecevable car FAUSSE.

Un ministre de la République ne peut, sans risque de se décrédibiliser, de LA décrédibiliser, proférer de telles inepties.

D’autre part, nous venons de prendre connaissance du rapport d’experts missionnés par l’Etat.

A la lecture de ce rapport, nous avons bien compris que l’élément déterminant de ce choix d’un autre temps est l’urgence ; or l’absence d’anticipation de la SLN est responsable de cette situation. Nous abondons donc dans le sens de Mr Martin, « la SLN n’a pas de stratégie » (en dehors évidemment de celle qui consiste à mettre la NC en coupe réglée...).

Nous avons aussi compris que l’analyse économique porte uniquement sur les coûts pour la SLN et ne tient pas compte des externalités négatives qui resteront à la charge de la société civile.

Rapport lacunaire…

Il nous apparaît que l’analyse qui est faite des solutions alternatives n’est pas fouillée (euphémisme !), seule la solution gaz est sérieusement envisagée. Et quelques contrevérités servies fort à propos aux personnes peu informées leur feront prendre des vessies pour des lanternes (ex. à propos du solaire thermodynamique, « technologie peu mature » ? Cf centrale Solar Energy Generating Systems, États-Unis, 354 MW ; puissance installée en thermodynamique solaire en 2012 dans le monde: 2.8 GW dont 1953 MW en Espagne et 750 MW en projet en Australie !). Et nous avons pris cet exemple du solaire thermodynamique sans exclure toutes les autres alternatives dont AUCUNE n’est étudiée par les « experts » ! Il existe notamment des éoliennes de  1MW chacune et les hydroliennes se développent…

Il n’est pas inutile de rappeler que nous avons formulé une demande très « soft » : au travers d’une centrale mixte, effacer le surplus de production de CO2 lié à l’augmentation de puissance de la nouvelle centrale avec une production complémentaire d’origine renouvelable. Nous n’avons RIEN vu concernant la faisabilité de cette proposition (seule une centrale australienne mixte avec solaire fournissant 6% de la puissance totale est décrite sans doute parce qu’elle sert la démonstration ! Silence sur les autres…)

Nous redisons ici que le potentiel de géothermie profonde n’a fait l’objet d’aucune évaluation en NC contrairement à l’assertion lue dans le rapport : « enfin, le potentiel de la Nouvelle-Calédonie…en géothermie est inexistant ».

Rendre à César…

Nous ne comprenons pas (enfin, si… *!) pourquoi les experts font bénéficier la SLN du CO2 économisé par le fait que la totalité de la production de Yaté reviendra à la distribution publique (et donc que le recours aux centrales à fioul de Népoui et Ducos par ENERCAL sera moindre). Nous rétorquons que le choix du charbon est celui de l’industriel et qu’il doit en assumer toutes les conséquences dans son bilan carbone.

Il n’est pas inutile de préciser ici que durant des décennies la SLN a profité indûment de la quasi-totalité de la production de Yaté. L’électricité qu’elle payait 2F le kWh était revendue plus de 20F à ENERCAL pour la distribution publique (les Calédoniens ont payé la différence…). Cherchez l’erreur ! Et comme par hasard, c’est quand le gouvernement calédonien obtient gain de cause sur la renégociation de ce tarif de Yaté que la SLN accélère son projet de centrale Doniambo !

Compensations incertaines voire irréalistes et dont les coûts (énergétique, environnemental, sanitaire et économique) ne sont pas évalués…

Les « solutions » de valorisation des cendres sont encore très hypothétiques, les diverses compensations ne sont pas chiffrées ni leur faisabilité sur 40 ou 50 ans évaluées (!). Il est fait une quasi-impasse sur la fiscalité écologique (du type taxe carbone , taxe sur les pollutions diffuses, contribution CAFAT / conséquences sanitaires de la pollution atmosphérique, taxe sur les combustibles fossiles etc. que la Nouvelle-Calédonie mettra en place tôt ou tard). Ce sont là autant de points  susceptibles de renchérir considérablement le coût de revient du kWh charbon.

D’autre part, outre les réserves émises par les auteurs eux-mêmes sur la réalité de la valorisation des cendres, il faut savoir que la recherche visant au stockage du CO2 dans les péridotites n’a pas commencé… ce procédé reste donc très très aléatoire. Nous nous inquiétons aussi des coûts de sa mise en œuvre, coût énergétique, environnemental et sanitaire. En effet le gaz CO2, après sa séparation dans les fumées, doit être injecté dans le sous-sol, sous pression et avec des substances chimiques très toxiques (les mêmes qui viennent d’aboutir à la confirmation par le Conseil d’Etat de l’interdiction de la fracturation hydraulique pour les gaz de schistes).

La création de puits de carbone par plantation amènerait à couvrir la NC d’arbres ce qui n’est, bien sûr, pas envisageable !

Beaucoup de compensations hypothétiques dont on n’évalue pas les coûts (de tous types) dans ce document, document dont on pense que les auteurs savaient où ils voulaient arriver et n’ont donc retenu que ce qui servait leur but… Les experts, grands commis de l’Etat, sont, pour l’un ingénieur général des mines, pour l’autre énarque ayant longtemps travaillé à la direction des programmes aéronautiques civils. On cherche donc leurs compétences en matière d’énergies, singulièrement renouvelables…

L’Etat actionnaire a mandaté des experts hauts fonctionnaires…

…qui appellent à la rescousse l’ADEME, organisme d’Etat ! En restant entre soi, nul risque d’être contredits. Nous attendions des avis de fournisseurs étatsuniens, espagnols mais ils ne sont pas venus…

La SLN déjà très engagée avec Samsung…

Dès mai-juin 2013 nous avons appris la venue de représentants de Samsung sur le territoire. Il n’est pas impensable que la SLN ait signé très tôt des engagements commerciaux et que se dédire lui coûterait fort cher… Pas question donc de la mettre dans l’embarras !

Pour faire bonne mesure…

Si nous observons avec plaisir qu’Eramet et la SLN sont très critiqués sur leur manque d’anticipation, leurs revirements et leur défaut de communication, voire leurs mensonges (cf recyclage des cendres donné pour acquis par la SLN), nous ne sommes pas dupes. Nous pensons que ces piques ne sont là que pour donner une impression d’indépendance au lecteur.

Nous souhaitons que les élus calédoniens diligentent une expertise véritablement INDEPENDANTE.

De la schizophrénie de l’Etat…

En cautionnant ce choix, l’Etat actionnaire ne respecte pas ses engagements nationaux (l’un de nos nos préférés :  « faire de l’outre mers une vitrine des énergies renouvelables ») et internationaux en matière de lutte contre le changement climatique ainsi que de protection de la biodiversité, et ne se tient pas aux côtés des Calédoniens mobilisés pour la protection de leur environnement et de leur santé (près de 8 000 signatures de la pétition « Non au charbon, oui aux énergies renouvelables » soit l’équivalent de 2.2 millions de signatures dans l’hexagone !).

Au lendemain de la publication du 5° rapport du GIEC, qualifié d’  « alarmiste » puisqu’une fois encore, c’est le scénario le plus défavorable qui s’est réalisé, cette annonce de Mr Lurel fait grand désordre…

Nous lui rappelons que le 15 septembre 2013 lors des travaux de la Conférence environnementale au Palais d’Iéna, il s’est engagé à « faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité »… Il ne peut ignorer que le changement climatique met à mal la biodiversité ultramarine et particulièrement les formations récifales (la France possède 10 % des récifs du monde dans les 3 océans !) ; nous le pensons donc schizophrène. A moins qu’il ne soit malhonnête ?

Rappelons encore qu’en 2015, la France accueillera au Bourget le sommet sur le climat, où les Etats se sont donné rendez-vous pour signer un accord qui engagera l'ensemble de la planète, vieux pays industrialisés responsables historiques du réchauffement et nouveaux pays émergents, grands pollueurs. C'est un grand défi pour lequel notre pays se doit d'être exemplaire nous dit-on...

Suite à l’annonce de Mr Lurel, nous ne sommes pas restés pas passifs ; nous avons commencé à mettre en œuvre quelques processus d’alerte en métropole et à l’international.

Nous attendions une démonstration brillante, à tout le moins INDISCUTABLE, de ce que le choix du charbon était incontournable. Nous n’avons trouvé dans ce rapport que des assertions gratuites ou reposant sur des présupposés faux. Cela nous confirme dans notre intention d’alerter encore et encore.

Nous réaffirmons qu’une augmentation de notre dépendance énergétique (passage de 98 à 99 % pour un coût de plus de 60 milliards CFP / an et combien d’emplois perdus ?) et un nouvel accroissement des rejets calédoniens de CO2 (+ 165 % en moins de 10 ans) sont complètement DERAISONNABLES.

Pour finir, retenir que des aides financières publiques via diverses exonérations et la défiscalisation ne sont même pas exclues**...

                                                                               Pour EPLP, la Présidente,

                                                                                    Martine Cornaille

  Nouméa le 14 octobre 2013

* Il s’agit de minimiser à l’extrême la dégradation du bilan carbone de la SLN afin d’alléger d’autant les mesures compensatoires qui lui seront demandées… durant 50 ans !

** Cf rapport au premier ministre du centre d’analyses stratégiques « Aides publiques dommageables à la biodiversité »