Articles - Climat Energie

Centrale SLN Eramet charbon 1 - Climat 0

Centrale SLN Eramet charbon 1 - Climat 0

Courrier envoyé à M. François Hollande à propos de la future centrale thermique charbon du groupe ERAMET SLN en Nouvelle-Calédonie

Nouméa le 4 décembre 2012

à Monsieur le Président de la République française

Objet: Centrale de Doniambo énergie (Nouméa, Nouvelle-Calédonie), groupe ERAMET-SLN

Monsieur le Président,

Nous nous permettons d'attirer votre attention sur le projet de construction, par la société Doniambo énergie SAS, d’une centrale électrique au charbon destinée à alimenter les fours de la société Le Nickel (SLN, filiale d’ERAMET), à Nouméa, Nouvelle-Calédonie.

Le conseil d’administration du groupe s’est réuni à Paris avec, à l’ordre du jour, le choix du combustible de cette centrale et le choix du charbon y a été entériné.

Il est fort probable que le financement de cette installation fasse l’objet d’une demande en défiscalisation auprès du ministère de l’économie et des finances de l’Etat français.

Dans son discours de clôture de la conférence environnementale que vous avez appelée de vos vœux, votre premier ministre a parlé de développement durable et de développement des énergies renouvelables, de maintien de la biodiversité... Accorder une défiscalisation à cette centrale électrique au charbon serait donc contraire à l’engagement de la France vis-à-vis d’ objectifs auxquels vous avez dit vous aussi être attaché. Votre prédécesseur, par courrier du 13 octobre 2009 aux Amis de la Terre, écrivait que « la France sera particulièrement vigilante à ce que les financements publics soient désormais cohérents avec les objectifs nationaux et internationaux de lutte contre le changement climatique. » Nous pensons bien que vous faites vôtre cet engagement.

Dans son rapport "Diagnostic et Enjeux, Nouvelle-Calédonie 2025", le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie indique (paragraphe 5.6.2. Des émissions de gaz à effet de serre qui vont presque tripler) : " En 2004 les émissions de CO2 étaient estimées à 11,2 tonnes par personne et par an, soit environ 1,8 fois le niveau de la métropole. La Nouvelle-Calédonie est alors au 28ème rang mondial. Avec la mise en service des nouvelles unités métallurgiques (VALE NC, KNS) il est prévu d'atteindre en 2015 un niveau d'environ 8,8 millions de tonnes de CO2 par an (+ 170 % par rapport à 2008). A ce niveau la Nouvelle-Calédonie serait très au-dessus du niveau des U.S.A, et ses émissions pèseraient pour environ 2,5 % dans le bilan national." !

De fait, cette centrale (telle que prévue dans l’arrêté arrêté n° 11391-2009/ARR/DIMEN du 12 novembre 2009) devrait émettre plus de 1,7 millions de tonnes équivalent CO2 par an. Ce chiffre est à mettre en parallèle avec le résultat des efforts de réduction français réalisés entre 2007 et 2008, soit une diminution de 3,2 millions de tonnes équivalent CO2 pour l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, chiffre calculé sur le périmètre du protocole de Kyoto.

Nous insistons sur le fait qu’un tel projet implique pour la Nouvelle-Calédonie quarante à cinquante ans d’émissions polluantes alors que la nécessité de « décarboner » sans plus attendre les économies est reconnue par tous.

Nous rappelons encore que la Nouvelle-Calédonie est dépendante de l’extérieur pour son approvisionnement en énergie à plus de 98 %. Il nous semble très déraisonnable d’augmenter ENCORE cette dépendance, tant du point de vue financier que du point de vue de la sécurité de sa population.

Tous les clignotants sont au rouge vif: envolée des prix de matières premières (alimentaires et énergies fossiles) et crises sociales liées, déclin accéléré de la biodiversité hypothéquant la fourniture de services écosystémiques essentiels à la survie humaine, contamination des chaînes alimentaires par les polluants -dont le mercure relargué par la combustion des énergies fossiles-, acidification des océans, élévation du niveau de la mer,…

Nous appuyons aussi notre demande sur des publications telle que celle du centre d’analyse stratégique français intitulée « Les aides publiques dommageables à la biodiversité » ou encore sur le rapport du Sénat intitulé « Les énergies renouvelables outre-mer 21 juillet 2011» qui conclut « Les énergies renouvelables en Outre-mer : laboratoire et vitrine nationale pour l’export et facteur d’aide au développement » et affiche l’objectif de l’autonomie énergétique pour l’outre-mer… Nous vous demandons de nous aider à faire vivre ces recommandations en Nouvelle-Calédonie.

En conséquence, nous vous prions instamment de ne pas accorder la défiscalisation à un projet de centrale électrique au charbon.

Le soutien financier de l'Etat français nuirait de plus gravement à l'image de la France dans la zone Pacifique où les impacts des changements climatiques provoquent déjà des déplacements de populations. A + 4°C (voire plus ?), on n’ose imaginer ce que sera(it) la situation dans notre grand océan…

Nous n’avons reçu aucune preuve ni même aucune assurance quant à la réalisation d’études de faisabilité pour des technologies alternatives, par exemple le thermodynamique solaire, ou, à tout le moins d’une centrale au gaz COUPLEE à des énergies renouvelables. Dans une île tropicale comme la nôtre, l’ensoleillement ne fait pas défaut, les vents sont réguliers, les marées se produisent toutes les 6 h 15 mn environ…

Nous vous remercions de l’attention que vous voudrez bien accorder à notre requête et vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de nos respectueux sentiments.

Pour EPLP, la présidente, Martine Cornaille

Copie à :
  • Monsieur le Haut Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie,
  • Monsieur le Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie,
  • Madame la Présidente de la Province sud
  • Monsieur le Maire de Nouméa
  • Monsieur Patrick Buffet, PDG de la société ERAMET