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Vous avez dit taxe carbone ajoutée ?

CO2Sa justification :

à l’heure où il est avéré que les coûts sociaux, économiques et environnementaux du réchauffement climatique ont été largement sous-estimés, la taxe carbone n’est pas une  fantaisie d’écologistes. C’est une absolue nécessité pour limiter les effets de la crise climatique mais aussi pour faire face à la crise énergétique. La communauté scientifique annonce la nécessité de diviser par quatre les émissions de CO2 d’ici 2050 et de se préparer à l’épuisement des énergies fossiles.

Son principe :

elle s’inscrit dans la fiscalité verte qui doit permettre d’internaliser les dommages environnementaux des agents économiques. C’est aussi une mise en application du principe du pollueur-payeur. Elle doit être un levier fiscal au service de la conversion des pratiques de production et de consommation, en particulier d’énergie (et alors proportionnelle aux émissions ; si 1 pour le gaz, 1.5 pour le pétrole et 2 pour le charbon). Elle doit être écologiquement efficace et socialement acceptable. Pour cela, ses modalités doivent être précisées.

Son efficacité :

Elle existe en Suède depuis 1991, en Norvège depuis 1992, en Suisse, au Royaume Uni etc. L’exemple suédois montre qu’elle a trois vertus : écologique (avec moins 9% d’émissions de CO2 depuis 1991), économique (+48% de PIB) et sociale (diminution du nombre de personnes en grande difficulté). En Suède, la fiscalité verte représente 85% des prélèvements. Associée au soutien des éco-industries, cette fiscalité y a permis d’améliorer la compétitivité globale, d’encourager l’innovation et de favoriser les changements structurels. Un exemple français maintenant : la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers très élevée (représentant jusqu’à 80% du prix de l’essence) a conduit les constructeurs automobiles français à produire des véhicules plus sobres que les constructeurs américains et, s’ils n’avaient pas été freinés dans leur élan par le contrechoc pétrolier du début des années 1980, sans doute que leurs véhicules électriques seraient déjà sur le marché. Les choix de recherche et développement, d’équipement, de consommation doivent être dictés par le souci de la sobriété en carbone. Pour Nicolas STERN, économiste en chef de la Banque Mondiale, « le développement est dans l’innovation de l’économie sobre en carbone ».

Ses modalités :

  • Quelle assise ? Tous les produits et services doivent y être soumis, en particulier tous les combustibles (d’ailleurs, les taxes sur les produits pétroliers en sont une préfiguration). Le bilan carbone des biens et services (production, transport, élimination) sera généralisé.
  • Qui paiera ? Tout un chacun en fonction de sa consommation.
  • Quelle compensation pour les ménages les plus vulnérables ? On peut envisager un allègement de la fiscalité sur le travail ou l’octroi de bons de transport collectif… Il ne peut y avoir de compensation intégrale pour tous car son produit doit aider à la nécessaire conversion des pratiques de production et de consommation.
  • Comment ? Les contributeurs ne doivent pas être pris en otage par cette révolution de la fiscalité. Ils doivent avoir l’envie et les moyens d’engager leur conversion. Pour cela, il faut faire œuvre de pédagogie et annoncer AUJOURD’HUI pour DEMAIN et APRES-DEMAIN les mesures qui seront prises. Cela est indispensable pour, d’une part, l’acceptabilité de cette réforme et, d’autre part, son efficacité. Des mesures immédiates peuvent être prises telles qu’un prix de rachat incitatif pour le kWh d’énergie renouvelable réinjecté dans le réseau par les particuliers, l’instauration d’une prime à la casse et d’un bonus-malus pour les véhicules, l’électroménager, la qualité des logements…
Cela vaut aussi pour les industriels dont les installations ne sauraient bénéficier de défiscalisation sans respect de stricts impératifs écologiques. Dans le souci de préserver leur compétitivité, les charges patronales pourraient dans un premier temps être réduites mais il sera de leur responsabilité de faire des choix éclairés en matière énergétique… NB : cette taxe carbone (proche d’une TVA sociale) s’appliquant à tous les produits dont ceux importés (ce qui est compatible avec les règles de l’OMC), permet d’exporter l’incitation à diminuer les émissions au lieu de délocaliser les productions. Le transfert des prélèvements du seul champ social à l’ensemble des biens a fait ses preuves au Danemark où il a permis de faire baisser le chômage de 10 à 4 %.
  • A quel niveau ? Le signal prix est un signal fort. Aussi la progression des prélèvements carbone doit être rapide.

Ses prolongements :

L‘un des plus anciens principes de droit, donc de la vie en société, veut que celui qui est à l’origine d’un dommage doit réparation. Tout doit être mis en œuvre en amont pour éviter les dommages. Cette prudence peut être encouragée en déclinant diverses écotaxes : taxe SO2, taxe biodiversité, taxes eau…

En conclusion :

Les émissions de CO2 ont doublé depuis 1970. Dans un scenario « business as usual », elles doubleront à nouveau d’ici 2050. La concentration en CO2 est passée de 300 parties par million (=ppm) en 1970 à 435 ppm aujourd’hui et passerait à  900 voire 1 000 ppm en 2050 ; la température augmenterait alors de 6°C. Scénario d’apocalypse… La question qui se pose maintenant est : « combien de combustibles fossiles pouvons-nous encore brûler pour que le réchauffement ne dépasse pas 2°C ? » ; la revue « Nature » répond : 1/3 des réserves de charbon, gaz et pétrole… Mais chaque jour, on en extrait davantage et des prix toujours plus élevés constituent autant de taxes dont notre collectivité ne bénéficie pas. Construisons plutôt un système qui crée de la richesse dans l’économie locale plutôt que chez les fournisseurs de pétrole, gaz et charbon. Une taxe carbone ajoutée élevée permettrait de diminuer substantiellement les charges sur le travail, améliorerait la compétitivité et ferait baisser sensiblement la consommation d’énergie. Qui dit mieux ? La lutte contre le réchauffement climatique aura indiscutablement un coût économique mais le prix à payer sera d’autant moins élevé que l’anticipation sera meilleure. Alors, attention à la tentation que beaucoup ont de reprendre les mots et les idées « écolos » pour les détourner et les vider de leur sens. Les politiques écologiques doivent se situer au cœur des projets. Nicolas Hulot conclut : « C’est le modèle dominant qu’il faut remettre en cause. C’est l’Etat qui peut le faire mais encore faut-il que le citoyen le réclame… ». Pour Ensemble Pour La Planète, Martine Cornaille