Article de Martine Cornaille, présidente d'EPLP paru dans "Les Infos"
Le 26 octobre dernier s’est ouverte en mairie de Nouméa, une enquête publique concernant la construction d’un complexe hôtelier 5 étoiles à la Baie des Citrons. Le promoteur y est propriétaire des 2 dernières parcelles non construites (64 et 14 ares). Mais sans doute cet espace privé est-il insuffisant pour les projets grandioses qu’il forme pour les rentabiliser. Qu’à cela ne tienne ! Il va endiguer sur 240 m et remblayer près de 10 000 m2 de platier ! D’ailleurs « le platier est mort » justifie t-il avec aplomb. Le bureau d’étude qu’il a choisi et financé le confirme : la zone est d’un intérêt écologique faible. A tel point que la consultante a estimé inutile d’y faire de plus amples investigations. Et c’est ainsi que la zone de remblai apparaît blanche sur une carte dont les couleurs verte, jaune et rouge servent à évaluer la « sensibilité écologique ». Blanche comme les alentours urbanisés. Le public venu consulter le dossier peut ainsi penser que la zone impactée est bien peu étendue… Maladresse ou volonté de tromper ? Chacun sera juge.
Concernant la valeur écologique de la zone, lisez plutôt ce qu’en dit un chercheur IRD : « …le platier est partie intégrante du récif… c’est un milieu riche et varié… il y a des centaines d’espèces présentes…La zone est exploitée par des oiseaux limicoles dont certains appartiennent à deux sous-espèces endémiques. La présence de ces oiseaux devrait déjà suffire à classer le platier comme zone prioritaire. Le bas du platier abrite des populations de serpents … dont certains rarement observés dans leur milieu naturel…La Baie des Citrons est un site exceptionnel pour l’observation de ces serpents marins : c’est le site choisi par l’un des plus éminents spécialistes au monde en écologie des reptiles, le Pr Rick Shine de l’université de Sydney. La présence de ces serpents prédateurs de poissons signale un site à très haute valeur écologique. C’est même un site exceptionnel si l’on prend en compte le fait qu’il s’agit d’un récif urbain. Nous y avons aussi observé des tortues à écailles, espèce menacée à l’échelle mondiale…La platier nord de la Baie des Citrons est un site à très haute valeur écologique. Ceci se base sur des observations menées sur plusieurs années... Le platier est parfaitement fonctionnel…L’impact sera dévastateur. Le projet entraînera la disparition pure et simple de la totalité du récif».
Alors, non, Monsieur le promoteur, notre opposition n’a rien de terroriste ! Vous pouvez désirer ignorer ce qui vous dérange mais de grâce, ne portez pas de jugement de valeur sur ce que nous sommes car l’effet boomerang pourrait être dévastateur !
L’époque a changé : il n’est seulement plus permis de saccager le bien commun.
Nous comprenons que le sacrifice vous coûte : il est à la hauteur des profits que vous escomptez. Un investissement de 3 milliards (?) en défiscalisation, cela fait plus de 1milliard de manque à gagner pour les populations. Cela fait 555 ans de SMG ou, pour chacun des 150 emplois (?) créés, une subvention publique de 7 millions. La collectivité paie donc très cher ces emplois ! Ne lui demandez pas, en plus et surtout, d’accepter sans broncher de vous voir vandaliser près d’un hectare (ou deux puisque la surface totale « sous emprise » est estimée à 19 000 m2 dans l’étude d’impact) du domaine PUBLIC maritime. La spoliation est double, et c’est trop, beaucoup trop pour être acceptable !
Avant d’en terminer, il nous semble important d’attirer l’attention de tout un chacun sur ce qui suit : qui contrôle la qualité scientifique des études d’impact réalisées par les cabinets de consultants ? N’est-il pas gênant (!) que leur survie économique dépende de leurs donneurs d’ordre alors que leurs avis peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour la collectivité ? Ne sont-ils pas « livrés pieds et poings liés » au bon vouloir de ceux qui les financent ?
En l’espèce, le rapport fourni n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. Ce sont des études longues, détaillées, indépendantes qui sont nécessaires. Ces dernières concluraient immanquablement que cette réalisation ne permet pas de répondre aux besoins des générations présentes et compromet la capacité des générations futures à répondre aux leurs…