Interview de Martine Cornaille paru dans le supplément environnement des Nouvelles calédoniennes.
Je répondrai à votre question en 2 temps en envisageant d’abord la biodiversité en général avant de parler du cas calédonien.
Alors pourquoi faut-il préserver la biodiversité ? Outre l’argument éthique, eh bien, parce que la biodiversité, c’est la vie, NOTRE vie à nous humains !
Quelques exemples… La fertilité des sols ? Ce sont les Champignons, les Bactéries, la microfaune qui l’assurent par minéralisation de la matière organique.
L’essentiel de la production de fruits et légumes? Assuré grâce aux pollinisateurs (animaux, chauve-souris…) !
La production d’hybrides, la sélection d’espèces intéressantes ? Réalisées grâce aux espèces sauvages constituant un formidable réservoir génétique !
La production du dioxygène que nous respirons ? Ce sont les Végétaux chlorophylliens qui officient !
La fourniture de bois, de fibres ? Encore les Végétaux !
Le cycle de l’eau et la régulation du climat ? Les forêts y participent largement !
La protection des sols contre l’érosion ? Les Végétaux !
La protection du littoral ? Ce peut être le fait d’écosystème tel la mangrove !
L’épuration des eaux ? Les micro-organismes !
L’imagination sans fin en matière de molécules d’intérêt pharmaceutique ? Les êtres vivants !
La cueillette, la pêche, la chasse ? Des ressources vivantes gratuites !
Nos paysages ? Remplis d’êtres vivants ! Etc.
La « Nature » nous nourrit, nous habille, nous détend, épure l’eau, l’air, les sols, régule le climat… Les services rendus sont, vous le voyez, innombrables et tout aussi essentiels les uns que les autres à notre survie. Et ne perdons pas de vue qu’en matière d’érosion de la biodiversité, les réactions en chaîne sont nombreuses ! En retirant un boulon après l’autre sur une aile, l’avion tout entier ne manquera pas de tomber !
Envisageons maintenant le cas particulier de la biodiversité calédonienne. Vous savez que les écosystèmes marins calédoniens sont remarquables au point d’avoir été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. On sait moins qu’un collectif de chercheurs de l’université de BONN a classé en 2009 la Nouvelle-Calédonie comme premier territoire au monde pour sa biodiversité terrestre. Elle est supérieure à celle de l’Europe ! Notre responsabilité est donc particulière parce que nous vivons sur un territoire qui est un « trésor » pour l’humanité entière. Pensez, la « mère » de toutes les fleurs est chez nous et uniquement chez nous !
Savez-vous que moins d’une dizaine de plantes supérieures calédoniennes sont valorisées ? Or il y en a plus de 2 000 endémiques… Les milieux calédoniens, très variés, sont autant d’habitats pour des espèces animales elles aussi exceptionnelles. Notre « or vert » est là, dans cette remarquable biodiversité. Et cet or vert est durable au contraire d’un autre ! Etudions-le, valorisons-le ! A noter que des financements internationaux pourraient nous aider à protéger notre biodiversité (emplois verts).
Parallèlement, notre territoire est le lieu d’une intense exploitation minière dévastatrice pour notre biodiversité terrestre, dulçaquicole et marine. A-t-on tout bien pesé ? EPLP demande depuis longtemps aux pouvoirs publics de réaliser un bilan complet (social, environnemental et financier) de 100 ans d’exploitation minière. A coup sûr, il y aurait des surprises !
Je veux terminer en indiquant que la biodiversité a été et est encore sacrifiée au motif du « nécessaire développement économique ». Réfléchissons un instant: la nature est gratuite et c’est cette gratuité qui est la cause de sa dévastation. Ce qui ne vaut rien aujourd’hui n’a pourtant pas de prix et ce qui vaut cher est souvent futile ! Si la satisfaction de tous nos « besoins » dépend de la nature, nos « envies » la ruinent… Nous détruisons un superbe équilibre. Qu’avons-nous à y gagner ? Je suis sûre que vous en conviendrez, il n’y a que des avantages à préserver la biodiversité et que des désavantages (le mot est faible) à la détruire. Faisons donc payer le prix fort aux pollueurs-dévastateurs, inversons la logique économique. Pensons le moyen et long terme collectif, coupons le cou aux intérêts particuliers court-termistes. Au fond, nous le savons bien, la voie que nous avons empruntée est sans issue…