Pour la première fois, la Cour de cassation reconnaît, au profit des associations de protection de l’environnement et des collectivités locales, la réparation du préjudice écologique.
Qu’est-ce-que le préjudice écologique pour la Cour de cassation ?
Le préjudice écologique est défini par la Cour de cassation comme le dommage causé directement au milieu pris en tant que tel, indépendamment de ses répercussions sur les personnes et les biens. En d’autres termes, le préjudice écologique correspond à l’atteinte causée aux actifs environnementaux sans répercussions sur un intérêt humain particulier, mais qui affecte un intérêt collectif légitime : l’environnement.La doctrine parle de préjudice écologique pur.
La reconnaissance de cette notion remet en cause le caractère anthropocentrique de notre droit qui suppose traditionnellement que seuls les dommages causés aux personnes et aux biens peuvent être réparés.
Le juge fait donc naître, indépendamment du préjudice matériel et moral, une nouvelle catégorie de préjudice : le préjudice écologique.
Qui peut se prévaloir d’un tel préjudice ?
Un des apports essentiels de cet arrêt réside également dans l’identification des personnes susceptibles de bénéficier d’une indemnisation au titre d’un préjudice écologique.
Les associations de protection de l’environnement font partie de ces personnes, à la condition de réunir trois critères qui semblent cumulatifs. Il s’agit de l’ampleur du dommage, du rôle effectif de l’association dans la réparation de ce dommage, de la représentativité de l’association sur le plan national et international.
Comment le juge évalue-t-il le préjudice écologique ?
Attribuer un prix à la nature n’est pas chose facile, d’autant plus que les « biens environnementaux » n’ont souvent pas de valeur marchande. Longtemps les juges ont traduit leur malaise face à la difficulté d’attribuer un prix à la nature en allouant à la victime une réparation symbolique d’un euro, soit au titre du préjudice moral, soit au titre du préjudice écologique.Les méthodes d’évaluation du préjudice se sont développées, les plus souvent utilisées par les juges étant :
-
la méthode d’évaluation forfaitaire : couramment utilisée dans le domaine de l’eau, les indemnités sont par exemple calculées d’après la longueur ou la surface du cours d’eau pollué ;
-
la méthode de la valeur d’option : cette valeur peut être calculée de manière contingente, par l’intermédiaire d’enquêtes ou de sondages demandant aux individus quelle somme ils seraient prêts à payer pour préserver cette ressource ;
-
la méthode d’appréciation de la valeur d’usage : il s’agit d’évaluer le coût induit par la privation de l’usage d’une ressource naturelle.
Dans l’affaire de l’Erika, la tendance est à l’augmentation des sommes allouées aux associations de protection de l’environnement. Par exemple 300 000 euros ont été accordés à la Ligue de Protection des Oiseaux au titre du préjudice écologique : la Cour de cassation a opté pour une réparation forfaitaire en évaluant le prix d’un oiseau mort à environ 5 euros.
Quel avenir pour le préjudice écologique ?
La consécration du préjudice écologique est à saluer en ce qu’elle permet dorénavant d’engager la responsabilité d’un pollueur lorsque celui-ci cause un dommage à l’environnement en tant que tel, indépendamment des répercussions que ce dommage pourrait avoir sur les êtres humains.Cependant, la reconnaissance de ce type de préjudice par la Cour de cassation n’est pas acquise. En effet, en l’absence de disposition légale consacrant la notion de préjudice écologique, un revirement de jurisprudence est toujours possible.
Ainsi, pour sécuriser la notion de préjudice écologique, le club des juristes plaide en faveur de son inscription à l’article 1382 du Code civil. Il serait ainsi rédigé : « Art. 1382-1 - Tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à l'environnement, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La réparation du dommage à l'environnement s'effectue prioritairement en nature. »
Cette idée fait actuellement l’objet d’une proposition de loi présentée par le sénateur Bruno Retailleau, déposée au Sénat le 23 mai 2012. Cette loi, si elle est votée, permettrait d’une part de sécuriser la notion de préjudice écologique, d’autre part d’éclairer les nombreux « flous artistiques » qui règnent autour de la réparation du préjudice écologique.