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Rapport Duthilleul, il reste beaucoup à faire...

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Rapport Duthilleul, il reste beaucoup à faire...

 A la demande de Mme Duthilleul, EPLP a fait une lecture critique du résumé de son pré-rapport Schéma stratégique Industriel (SSI) d’où il ressort que l’affichage de préoccupation de durabilité n’est pas traduite dans les faits et les priorités indiquées, pas les nôtres… Pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous l’intégralité du courrier que nous lui avons adressé :

Nouméa, le 18 mars 2012

A Madame Duthilleul

 Objet : rapport final « Schéma stratégique industriel de la Nouvelle-Calédonie »

Madame,

Vous avez bien voulu accéder à notre demande de communication de votre rapport final dans sa version projet et nous vous en remercions. Vous avez assorti sa communication d’une demande d’avis des associations environnementalistes regroupées au sein d’EPLP. C’est cet avis que nous venons vous donner ici.

Nous vous signalons tout d’abord que c’est le premier document relatif au schéma qui nous est transmis. Tout ce que nous en savons est ce qui a été relayé par la presse, ce qui est insuffisant pour que nous puissions apporter des éléments précis et pertinents. Nous n’avons même pas reçu de réponse à notre demande de participation au comité de pilotage du schéma !

Nous sommes en possession d’un résumé dudit rapport. Nous le déplorons et aimerions savoir pourquoi nous n’avons pas été destinataires du texte intégral. Cette défiance à notre égard empêche la société civile, que nous représentons, de prendre connaissance des tenants et des aboutissants d’un schéma dont les orientations vont avoir des impacts significatifs et à long terme sur l’environnement naturel du territoire et sur son développement économique.

Nous notons que si l’inventaire des ressources en nickel a bien été conduit, celui des zones naturelles d’intérêt supérieur ne l’a encore pas été… comme nous le proposons depuis l’élaboration du schéma minier ! Nous vous l’avions pourtant à nouveau demandé explicitement lorsque votre mission a débuté. « On » va donc continuer à privilégier la mine à la préservation de la biodiversité, quelle que soit sa rareté ou sa valeur patrimoniale, et cela maintenant avec votre caution et celle de l’Etat. Au-delà du caractère affligeant de ce constat, cette position est contraire à tous les engagements internationaux de la France en matière de protection de la biodiversité et à sa propre stratégie nationale. 

Le comité devait étudier les impacts de toute nature des activités minières et métallurgiques, comme décidé lors du dernier comité des signataires. Nous vous avions demandé un bilan économique, sanitaire, environnemental, social et sociétal sincère, ce qui n’avait pas été fait lors de l’élaboration du schéma minier. Rien dans les sept pages de résumé fourni ne permet de penser que nous avons été entendus. Vous avez donc consciencieusement écarté TOUTES les externalités négatives des activités minières et métallurgiques… Si des études sont en cours, alors, face aux enjeux sociaux et environnementaux de notre territoire, il faut attendre qu’elles soient terminées, confrontées, validées, partagées, et en tenir compte. Si aucune étude n’a commencé, alors il faut en lancer rapidement et attendre… L’approche partiale qui est présentée frise la malhonnêteté.

Nous précisons cependant que, si le CNRT a semble t-il tous vos suffrages, il ne recueille pas les nôtres. Structure dans laquelle la société civile est absente, mais pourtant financée à 60 % sur fonds publics (!), il y règne une bien-pensance qui ne nous agrée pas. Mais faute de contradicteurs, cela durera, qui plus est avec votre assentiment !

L’analyse de la chaîne de valeur ajoutée mentionne un encouragement aux accords de commercialisation. Nous insistons sur l’absolue nécessité que ces accords ne doivent pas donner lieu à une possible évasion fiscale préjudiciable à la réhabilitation des sites miniers dégradés. Il faut dénoncer fermement les accords fiscaux qui doivent tous être renégociés pour une juste participation des industriels à l’économie et l’aménagement du territoire. 

L’analyse de la chaîne de valeur ajoutée ne tient pas compte des fonds publics, via le « fonds nickel », qui est engagé, en cas de crise, à un niveau très appréciable pour soutenir l’économie du nickel, au détriment de la réhabilitation de sites miniers dégradés. Aucune autre profession ne bénéficie d’une telle assurance. Il faut entièrement revoir cette politique. 

Vous notez l’existence d’outils règlementaires. Nous faisons valoir qu’ils sont peu performants dans notre système de gouvernance ! D’autorisations de défrichements en exemptions diverses, ces outils sont inefficaces. Et vous ignorez manifestement que malgré un endémisme de plus de 80%, AUCUN maquis minier ne fait l’objet d’une quelconque protection, tant en province sud qu’en province nord… Est-il besoin d’ajouter que le territoire n’est pas doté d’une loi sur l’air ? Ou que la règlementation amiante est insuffisante ? Qu’aucun texte spécifique n’encadre l’exploitation minière en mer ? Les exemples sont nombreux. Il est particulièrement navrant que le territoire se contente de la situation législative et réglementaire actuelle. 

Vous affirmez que « les préoccupations environnementales sont dans tous les esprits et ne risquent pas d’être occultées ». Nous pouvons témoigner du contraire… Rien n’est organisé, politiquement ou administrativement, pour que ces « préoccupations » puissent devenir des priorités et que des obligations soient strictement encadrées et sévèrement contrôlées.

Nous nous élevons contre votre assertion d’« image d’un territoire mettant en valeur ses ressources de façon durable… ». Les mots ont un sens ! Développement durable et exploitation minière sont antinomiques. Il faut rappeler fermement dans le rapport le caractère épuisable de la ressource et arrêter d’associer mensongèrement le mot durable à l’économie minière.

Vous ne dites rien ou presque de la gouvernance… En Nouvelle-Calédonie, l’opacité règne en maître dès qu’il s’agit de nickel…

Enfin, vous postulez que les activités minières vont se développer en Nouvelle-Calédonie. Un territoire dont 20% du PIB provient d’une seule industrie s’en trouve fragilisé. Et lorsque cette mono-industrie est la mine, cela se double d’une perte irrémédiable de patrimoine naturel. L’AFD s’est prononcée sur ce sujet dans un rapport édifiant que vous gagneriez à consulter.

Le travail réalisé par le comité est très loin de fournir les éléments nécessaires à l’élaboration d’une vision « partagée et cohérente » de l’avenir du nickel. Ce courrier reflète notre immense déception et notre profonde consternation. 

Recevez, Madame, nos salutations écologiques.

Pour Ensemble pour la Planète,

La présidente, Martine Cornaille

Copie à Mr le Président de la République, Mr le Haut-Commissaire, Mr le Président du gouvernement, Mrs les Présidents des Provinces, Mr le Président du Sénat coutumier.