En sa séance du 13 octobre 2010, le Comité consultatif des Mines (15 membres, dont 6 politiques) a eu à examiner 31 permis d’exploration pour le chrome détritique, en province nord et en province sud. Il s’est prononcé CONTRE l’attribution de ces permis. 48 heures plus tard, le Conseil des Mines (4 membres ayant droit de vote : les 3 présidents de province et le président du gouvernement) où la société civile (syndicats, industriels, associations environnementales…) ne siège pas, s’est prononcé POUR… Cherchez l’erreur !
Première question : pourquoi cette « double détente »* ? La présence de représentants d’associations et autres syndicats et industriels au Comité consultatif ne sert-elle que d’alibi commode ?
Pour notre part, nous ne voulons plus servir de caution à des décisions que nous n’approuvons pas. En conséquence, nous demandons que le processus décisionnel soit modifié. Dans la nouvelle donne, il faudra choisir :
- si une commission incluant la société civile est appelée à s’exprimer, alors l’avis qu’elle rend doit être contraignant,
- si les politiques s’estiment seuls légitimes à décider, alors merci à eux de ne pas nous faire perdre notre temps à la seule fin de nous « utiliser ».
Deuxième question : s’agissant de projets hautement impactants aux plans environnemental et socio-culturel, il nous semble évident que la procédure de délivrance d’autorisation (en vue d’une exploitation minière) DOIT commencer par les études d’impacts. S’il s’avère que ceux-ci ne sont pas admissibles, alors inutile d’aller plus loin. Cela relève pour nous du simple bon sens. Cette façon de faire permettrait d’économiser du temps et de l’argent, tant aux collectivités qu’aux industriels de la mine. Merci pour eux, merci aussi pour les contribuables.
S’agissant des 31 permis évoqués précédemment, nous notons par exemple que 5 concernent des zones tampons terrestres ou marines. Cela étant connu, quelle justification peut-on donc trouver à les instruire ? Si la seule justification est d’ordre règlementaire, alors changeons les textes !
Quelques autres demandes concernent des zones de mangrove (ex. Canala), écosystème déclaré d’intérêt patrimonial dans les deux provinces. Même interrogation stupéfaite donc !
Ce dossier est pour nous emblématique de l’incohérence totale de certains de nos décideurs qui leur fait vouloir une chose et son contraire. Nous faisons valoir que les zones affectées par ces permis sont toutes des zones littorales, souvent des estuaires.
Or, dans le contexte général de réchauffement climatique donc d’agressions croissantes des côtes, il nous semble on ne peut plus raisonnable de ne pas ajouter de traumatismes aux écosystèmes littoraux.
Concernant la biodiversité, si les zones estuariennes ne sont pas particulièrement favorables au développement d’espèces coralliennes (la forte turbidité et la dessalure étant des facteurs très limitants à la croissance d’un récif, seules quelques rares espèces adaptées ou plus tolérantes parviennent à s’y développer), ces zones peuvent être des lieux de transit (migrations anadrome et catadrome) ou bien d’agrégation de poissons.
Une très large majorité des poissons d’eaux douces de Nouvelle-Calédonie migre depuis leur rivière vers la mer pour se reproduire. Cette stratégie permet aux poissons de coloniser d’autres creeks au cours des stades jeunes (larves, juvéniles) en passant par la mer.
Certaines espèces de poissons marins viennent au contraire aux embouchures des rivières pour former des rassemblements de frai (ou agrégation de ponte). C’est le cas par exemple des mulets, des sardines à tâches orange, espèces souvent pêchées par les gens du bord de mer. Par ailleurs d’autres espèces marines effectuent la première partie de leur vie (stade juvénile) en eaux saumâtres remontant parfois relativement haut dans les rivières. A l’âge adulte, les poissons retrouvent ensuite les zones lagonaires, du littoral à la pente externe (famille des Lutjanidae : Vieille de palétuvier, Lutjan à queue bleue…). Les zones estuariennes sont ici des transitions entre le stade de vie juvénile et l’adulte.
Une très large majorité des poissons d’eaux douces de Nouvelle-Calédonie migre depuis leur rivière vers la mer pour se reproduire. Cette stratégie permet aux poissons de coloniser d’autres creeks au cours des stades jeunes (larves, juvéniles) en passant par la mer.
Certaines espèces de poissons marins viennent au contraire aux embouchures des rivières pour former des rassemblements de frai (ou agrégation de ponte). C’est le cas par exemple des mulets, des sardines à tâches orange, espèces souvent pêchées par les gens du bord de mer. Par ailleurs d’autres espèces marines effectuent la première partie de leur vie (stade juvénile) en eaux saumâtres remontant parfois relativement haut dans les rivières. A l’âge adulte, les poissons retrouvent ensuite les zones lagonaires, du littoral à la pente externe (famille des Lutjanidae : Vieille de palétuvier, Lutjan à queue bleue…). Les zones estuariennes sont ici des transitions entre le stade de vie juvénile et l’adulte.
D’autres espèces affectionnent ces zones dessalées et turbides et y vivent toute l’année. C’est le cas des Crocros, des Poissons-cochons, des Balabios…
Enfin, les estuaires sont des écosystèmes de « transition ». Ils caractérisent une interface entre deux écosystèmes voisins établis où se produisent un ensemble d’échanges biogéochimiques nécessaires au maintien des deux systèmes.
De plus, la remise en suspension de particules nous conduit à nous interroger sur ses conséquences sur la vie corallienne alentour et la concentration en chrome VI, toxique s’il en est.
En ce qui concerne particulièrement la zone située au mont Dore, face au Banc GAIL, nous indiquons que la situation de fragile équilibre sédimentaire qui prévaut sera modifiée ce qui conduira sans doute à la disparition du plus important gisement de Coraux fluorescents de la Nouvelle-Calédonie et du MONDE. Ce banc est de surcroît riche en espèces endémiques…
Nous voulons enfin discuter de la philosophie du Schéma minier qui doit conduire à réaliser un inventaire exhaustif des ressources du sous-sol de la Nouvelle-Calédonie. Ses rédacteurs se sont-ils aperçus qu’inventorier ces ressources conduirait fatalement à « faire des trous partout », sur terre comme en mer ? On se le demande ! Se sont-ils interrogés sur les conséquences environnementales de ce mitage ? Sans doute pas, mais pour autant, pas question de les absoudre !
Quant aux décideurs qui justifient leur vote favorable par la nécessité d’appliquer AVEUGLEMENT un texte, nous faisons appel à leur sens des responsabilités, le même qui les a conduits à briguer quelques mandats…
Cette « affaire » du chrome détritique illustre une nouvelle fois que ce sont des considérations économiques (égoïstes et de court terme, c’est une antienne !) qui mènent la danse. Nous nous démenons pour que cette logique absurde (!) soit abandonnée par nos dirigeants et les administrations qu’ils dirigent.
L’économie n’est qu’un outil parmi d’autres concourant au développement d’une société. Ce n’est ni le seul ni surtout le premier ! Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur l’insuffisance de l’indicateur PIB et appelle de ses vœux la prise en compte d’autres indicateurs du développement durable : IDH (Indice de Développement Humain qui tient compte de la santé/longévité, de l’éducation …), Capital naturel etc.
Une fois encore, nous demandons: « quand nous n’aurons plus d’air, plus d’eau, plus de poissons, mangerons-nous nos billets de banque ? ».
Dernier élément à méditer pour les inconditionnels du roi dollar : au plan mondial, les services écosystémiques sont évalués à 70 000 milliards de dollars / an soit plus que PIB mondial (58 000 milliards en 2009). Chapeau bas pour la Nature qui fait donc mieux que nous et cela DURABLEMENT (la Vie a 3,9 milliards d’années, notre espèce 200 000 ans et la révolution industrielle 200 ans…) !
Parallèlement, le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'environnement) indique qu’en 2010, 60% des écosystèmes de la planète sont dégradés ; leur restauration (lorsqu’elle est possible, ce qui n’est pas toujours le cas…) coûte 10 fois plus cher que leur préservation. Savons-nous compter ? On peut sérieusement en douter…mais on peut encore s’y mettre !
La Convention onusienne sur la biodiversité biologique (CDB, Sommet de la Terre de Rio de Janeiro 1992) prévoyait que 10% de toutes les écorégions soient sous protection en 2010. Où en est la Nouvelle-Calédonie ? Elle n’est manifestement pas sur le bon chemin… Alors, si on changeait ?
*sans doute très appréciée de certains puisque très répandu…
Pour EPLP, Martine Cornaille