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Tourisme de croisière aux îles loyauté et à l’île des Pins

Tourisme de croisière aux îles loyauté et à l’île des Pins Après l’île des Pins, Ouvéa et Lifou, c’est maintenant depuis deux ans environ l’île de Maré qui reçoit des bateaux de croisière. Cela s’est fait sans consultation de la population, sans enquête publique et sans étude d’impact incluant notamment un état initial. Celles-ci auraient pourtant dû s’imposer en vertu des principes de bonne gouvernance et de précaution/prévention. En effet, en mars 2009, l’IRD et l’IFERCOR publiaient une étude (« Propositions pour limiter l’impact de l’ancrage des navires de tourisme sur les récifs coralliens en Nouvelle-Calédonie, à partir de l’étude de trois sites de mouillage » / Marc LEOPOLD et Pascal DUMAS) suffisamment inquiétante pour que les habitants d’Iaai demandent et obtiennent l’arrêt des mouillages à Ouvéa. La croisière telle qu’elle existe en Nouvelle-Calédonie est un tourisme de masse. Les paquebots qui y font escale peuvent transporter jusqu’à 6 000 passagers et 2 000 membres d’équipage. Un paquebot, c’est une ville flottante de plusieurs milliers d’âmes. Cette « ville » génère des volumes de déchets considérables dont la majeure partie est rejetée directement dans l’océan voire dans nos lagons (seule une part est traitée). Quelques données chiffrées relatives aux rejets d’un paquebot illustrent la problématique :
  • 50 tonnes de déchets solides (dont 20 % alimentaires sont rejetés en mer)
  • 8 millions de litres de déchets liquides
  • 1 million de litres d’eaux sanitaires « noires » (= issues des WC, services médicaux…)
  • 150 000 litres d’eaux grises (issues des douches, laveries…) qui peuvent rejoindre la mer sans traitement préalable. Et dans le cas où elles sont traitées, que vaut le traitement ?
Ces déchets sont largement susceptibles de provoquer de sérieuses pollutions des eaux des ports et des régions côtières. Ces pollutions s’ajoutent à la pollution sonore, particulièrement sous-marine, et à la pollution atmosphérique liée aux émissions de la combustion de fuels lourds (jusqu’à 150 tonnes par jour) dont la concentration en soufre peut être 3 500 fois plus élevée que celle du diésel (dont nous prônons l’interdiction !). Quant aux particules fines et aux oxydes d’azote, on considère qu’UN paquebot pollue autant qu’UN MILLION de voitures (source FNE) ! Les émissions de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre, sont, elles, évaluées à 1 069 kg par mile marin. La contribution des croisières aux changements climatiques et à leur cortège de catastrophes induites est donc importante. Dans un premier temps et sans attendre, nous demandons aux « autorités » de lier leur agrément d’accueil au brûlage de fioul désulfuré (au mouillage –et à quai à Nouméa-) et à la présence de filtres à particules sur les cheminées. Nous nous inquiétons aussi des impacts des eaux de déballastage dont on sait qu’elles peuvent contenir outre des particules boueuses (ravageuses pour les coraux !), des espèces exotiques envahissantes, les unes et les autres totalement indésirables dans les eaux calédoniennes. La fréquentation intensive des sites, marins et terrestres, par les nombreux touristes conduit à des pressions fortes voire insupportables si les « capacités de charge » de ces sites n’ont pas été correctement évaluées et prises en compte. Nombre de ces sites présentent des écosystèmes fragiles. Les formations coralliennes particulièrement ont à subir les effets dévastateurs de l’ancrage et la fréquentation de nombreuses petites embarcations dont les passagers les piétinent allègrement. On rappelle que les effets de l’ancrage se font sentir très loin des sites de mouillage par la mise en suspension de fines dont la sédimentation asphyxie les polypes et que la vitesse de pousse des coraux est généralement très très faible. Nous nous inquiétons de la présence de sanitaires à terre. Existent-ils en quantité suffisante ? Leurs eaux sont-elles traitées avant rejet ? Ont-elles, après traitement, une qualité « baignade » ? Le prélèvement d’eau pour ces structures d’hygiène est-il raisonnable au regard de la ressource en eau des îles concernées ? Nous soulignons aussi la pollution visuelle induite par les nombreux visiteurs simultanés d’un site (la marée humaine des touristes débarqués en masse est une véritable HORREUR !), les déchets qu’ils y laissent sans scrupules (et faute d’équipements dédiés à les recevoir ?), d’éventuelles nouvelles constructions « modernes » qui défigurent les paysages, la saturation des « attractions »… S’agissant du tourisme de croisière, on sait que les retombées économiques pour les résidents sont faibles et très mal réparties*. Les quelques achats de biens et services sur place sont à mettre en regard des nombreux et graves inconvénients environnementaux et socioculturels induits. Les comportements culturels traditionnels sont délaissés alors que seule une faible minorité se procure un petit revenu.  On assiste par ailleurs dans les commerces à une augmentation déraisonnée et déraisonnable des prix au détriment de tous les « locaux ». Les occupations d’espaces sont plus ou moins bien perçues et plus ou moins « légales ». Un mécontentement naît, lié au sentiment d’être « envahi » et la délinquance peut suivre. Nous disposons du planning 2017 des « touchers » à Maré. Nous relevons une forte intensification avec 97 touchers prévus soit un tous les 3 jours ! Ce nombre a priori très élevé est-il compatible avec un développement durable de l’île ? Nous en doutons fort. En tout cas, cela reste à prouver… NB : et 130 à Lifou ! En conclusion de ce qui précède, nous demandons que soient réalisées un état des lieux actuel des zones susceptibles d’être impactées par l’activité de croisière ainsi qu’une étude d’impact complète et rigoureuse destinée à éclairer la population et les « décideurs » sur l’opportunité qu’il y a à supprimer, maintenir, réduire ou renforcer les touchers de paquebots à l’île des Pins, Maré et Lifou. Pour EPLP, la Présidente, Martine Cornaille   (*) « On sait que la croisière coûte plus qu’elle ne profite aux territoires d’escales. Les vrais bénéfices économiques de la croisière reviennent aux régions industrielles de construction navale et aux armateurs. » in « Econostrum.info en partenariat avec le « Plan bleu ». [COMMUNIQUÉ DE PRESSE du  28 JANVIER 2017]