[singlepic id=85 w=320 h=240 float=none]Ces dernières semaines, les émanations odorantes (et … piquantes !) en provenance de la SLN ont provoqué beaucoup d’émoi chez les Nouméens. Mais la population sait-elle qu’en dehors de cet épisode particulier, elle est exposée à des rejets permanents, problématiques en matière de santé et d’environnement, même s’ils ne sont pas médiatisés ?
Les polluants atmosphériques des centrales thermiques à fuel comme celle de la SLN ou à charbon comme celle de Prony sont dispersés par les vents ou bloqués lorsque l'atmosphère est stable. Alors danger pour la santé et l’environnement ou pas ?
Il faut respirer pour vivre mais quelle est la qualité de l’air que nous respirons ? Depuis quelques mois, SCALAIR nous donne l’indice atmo. Cet indice indique le niveau de pollution atmosphérique sur Nouméa. Il est question de dioxyde de soufre, d’oxydes d’azote, d’ozone, de PM10 et, les plus mauvais scores sont obtenus dans les quartiers situés sous le vent de l’usine SLN. Pourquoi ? Eh bien la centrale électrique au fuel de la SLN est vétuste et ses émissions hors normes conduisent à des pics de pollution.
Il est reconnu que les polluants atmosphériques peuvent avoir des effets sur la santé, immédiats, à court ou à long terme, après une exposition aigüe ou chronique, et dans ce dernier cas, à des concentrations de polluants pouvant être très faibles.
Pourquoi ? Comment ? Les polluants se dissolvent dans les liquides superficiels, comme les larmes ou le mucus respiratoire et passent dans le sang. Certains toxiques véhiculés par la circulation sanguine peuvent s’accumuler dans des organes et, par exemple, aggraver les troubles cardio-vasculaires. C’est ainsi que la pollution atmosphérique est responsable dans le monde de millions de décès prématurés. Aucune étude spécifique n’a été faite à Nouméa mais il n’y a aucune raison que les conséquences de l’exposition à un air pollué à Nouméa soient différentes de ce qu’elles sont dans le reste du monde où on estime à 10 ans la diminution de l’espérance de vie liée à la pollution atmosphérique...
Les gaz émis qui pénètrent dans les plus fines ramifications des voies respiratoires sont irritants. De ce fait, ils entraînent une altération de la fonction respiratoire, une hyper-réactivité bronchique chez l'asthmatique et un accroissement de la sensibilité des bronches aux infections.
Les particules maintenant: celles dont on mesure ici le taux ont un diamètre de10 micromètres maximum d’où leur nom de PM 10 (= particulate matter). On peut mesurer les quantités de particules de taille inférieure mais ces mesures ne sont pas prises en compte par Scalair.
Et pourtant, plus les particules sont fines, plus elles pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire et plus leur temps de séjour y est long. Cette pollution a une double action, celle qui est liée aux particules proprement dites et celle liée aux polluants que ces particules transportent (métaux, hydrocarbures, dioxyde de soufre, etc.). Elles agressent le système respiratoire et peuvent contribuer, par exemple, au déclenchement de maladies respiratoires aiguës parce que certains polluants sont irritants ou cancérogènes.
Il faudrait donc mesurer le taux de maladies broncho-pulmonaires des habitants de la Vallée du Tir, Montravel, Logicoop, Tindu car elles sont, en particulier chez l’enfant, plus fréquentes que la normale dans les zones les plus polluées. Est-ce que l’absentéisme scolaire est plus fort dans ces quartiers et en relation avec ce type de pathologies ? Il faudrait trancher mais là encore, pas d’études !
Enfin, il faut savoir que les polluants atmosphériques susceptibles d’avoir des effets sur la santé ne sont pas tous pris en compte dans l’indice SACLAIR. Y échappent les COV ou composés organiques volatils; certains COV tels que le benzène, sont cancérigènes. Y échappe aussi le monoxyde de carbone, qui, en se fixant irréversiblement sur l’hémoglobine du sang empêche une bonne oxygénation. Y échappe encore le mercure qui empoisonne toute la chaîne alimentaire, nous inclus. Ou encore l’ozone irritante dont la formation est favorisée par la pollution.
Et l’environnement ?
Une fois éjecté des centrales thermiques (ou des pots d’échappement !), et après un petit tour dans l’atmosphère où il est le principal acteur du réchauffement climatique (et donc aussi de son cortège de conséquences toutes plus préoccupantes les unes que les autres), le CO2 continue son cycle. Une étude internationale a conclu à des résultats impressionnants : près de la moitié (48%) du CO2 que l’Homme à émis depuis le début de l’ère industrielle est à présent dans l’océan, soit 120 milliards de tonnes. Cette accumulation se poursuit au rythme de 25 millions de tonnes chaque jour ! Et cette masse colossale de carbone qui était il y a encore seulement deux siècles profondément enfouie dans les entrailles de la Terre sous forme de charbon, de pétrole ou de gaz, est en train de modifier profondément la chimie océanique détruisant par là-même toute la chaîne écologique marine. Le dioxyde de carbone dissous sous forme d’acide carbonique rend l’eau plus acide. Le pH de l’océan a baissé de 0,1 unité, ce qui représente une augmentation de l’acidité d’environ 10% !!!! Et ce n’est qu’un début, sachant qu’en 2100 l’océan s’acidifiera encore de 0,4 unité pH. Cela ne c’est jamais vu ! Important : des résultats récents obtenus dans le Pacifique par l’université de Chicago ont montré une accélération très forte du phénomène avec des chiffres alarmants…
Les gaz nitrés et soufrés des rejets, eux aussi, se transforment avec l’humidité de l’air (ou des larmes et autres secrétions d’où les irritations de ces dernières semaines chez les Nouméens) en acide sulfurique et en acide nitrique. Ces acides retombent dissous dans l’eau de pluie et l’on parle de pluies acides.
Ces retombées acides ont des effets sur les écosystèmes aquatiques, marins et d’eau douce car l’acidification de l’eau entraîne une diminution de la calcification des coquilles et des squelettes. Cela concerne les crustacés comme les langoustes, les bivalves comme les huîtres, les échinodermes comme les oursins, les organismes unicellulaires du phytoplancton qui sont à la base de la chaîne alimentaire marine ainsi que les Coraux. Des expériences ont montré que les coquilles ou squelettes de tous ces organismes étaient incomplets dans de telles conditions d’acidité et les taux de mortalité très augmentés.Les bouleversements des réseaux trophiques marins pourraient entraîner «d’importants bouleversements dans les stocks de poissons commerciaux»…
Dans le sol arrosé par ces pluies acides, l'acidification modifie l'absorption des sels minéraux par les végétaux qui, moins bien nourris, deviennent vulnérables aux insectes et aux maladies et peuvent finir par mourir. A son tour, la disparition des végétaux entraîne la destruction de tout l’écosystème terrestre. L’acidification des sols conduit aussi par exemple à la mise en solution de métaux, comme l’aluminium qui est toxique à l’état dissous pour presque la totalité des organismes vivants.
A noter que les pluies acides ont même des effets sur les matériaux des carrosseries de nos voitures et ceux des bâtiments qu’elles corrodent…
Décidément, cela fait beaucoup ! Alors que faire ? La réponse est sans échappatoire : réduire drastiquement nos émissions de polluants atmosphériques liées à la combustion d’énergies fossiles, fuel et charbon en particulier. Jusqu’à présent, force est de constater que nous n’y sommes pas parvenus et que nous n’en avons même pas manifesté la volonté collective...
Avec les pièces santé publique, réchauffement climatique et acidification des milieux aquatiques et alors que la Nouvelle-Calédonie s’enorgueillit à juste titre du classement de ses lagons au patrimoine de l’UNESCO, peut-être que les choix de développement pour le pays et leurs conséquences énergétiques seront enfin reconsidérés …Car enfin, on s’interroge, industriels et décideurs ont-ils vraiment tout bien peser ?
NB : les stations de captage atmosphérique de Vale Nouvelle-Calédonie ne sont pas en état de fonctionnement. Et la zone industrielle est entourée de zones habitées, de réserves botaniques et marines …
Pour EPLP, Martine Cornaille