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Comité Consultatif de l'Environnement (CCE)

CCE STENC – 9 novembre 2015

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres du comité,

Les bénévoles d’EPLP sont impliqués depuis 2008 dans la préparation du Schéma NC 2025 comme dans celle de l’expertise collégiale énergie IRD, du rapport Laponche ou celle du Schéma énergie-climat.

8 ans donc que nous travaillons de façon désintéressée pour le bien commun sur la question de l’énergie et du climat en NC…

Les réunions auxquelles nous avons participé se comptent par dizaines, les heures passées sur la thématique, par centaines, et nos interlocuteurs sont légion, depuis les présidents et membres des gouvernements successifs, les experts venus d’ailleurs, les agents DIMENC… Tous sont passés, pendant que nous, bénévoles associatifs, incarnons la permanence : nous étions présents à l’origine et nous sommes encore là mais sans plus guère d’illusions sur la capacité de la NC à se réformer…

Aujourd’hui 9 novembre 2015, le gouvernement de la NC installé le 1er avril 2015 demande aux environnementalistes que je représente ici de se prononcer sur le STENC, fils naturel de feu le Schéma énergie-climat.

D’emblée, sachez qu’après tant d’investissement et tant d’années de gestation, le bébé n’est ni à la hauteur de nos espérances ni surtout à la hauteur des enjeux.

Après 8 longues années, la Nouvelle-Calédonie a très laborieusement accouché d’une souris…

Et les contribuables que nous sommes déplorent aussi tout l’argent public consacré à l’élaboration d’un produit cosmétique uniquement fait pour verdir la communication de la NC, à l’intérieur comme à l’international.

Parlons ambition…
Que ce soit dans le rapport au Congrès ou dans le Schéma lui-même, nous sommes / vous êtes, ensevelis sous un flot de « bonnes paroles », d’assertions sans preuves, de données tronquées…

Seuls les constats très préoccupants concernant la réalité du changement climatique et la responsabilité humaine dans ces changements, ou encore la situation énergétique actuelle de la NC, ses conséquences inquiétantes en termes de vulnérabilité notamment, et l’appel à, je cite, « une modification profonde du système de production et de consommation de l’énergie » nous agréent. C’est en effet une « reprise » fidèle du discours que nous tenons depuis quelques décennies… Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et la mise en musique est manifestement délicate en l’état actuel du courage politique.

Page 3 du rapport au Congrès, on lit : « tous les moyens devront être mobilisés afin de réduire nos consommations énergétiques HORS MINE ET METTALLLURGIE ». Eh bien il n’a guère fallu attendre pour être fixé !

Notre dépendance aux énergies fossiles est estimée à 97.8%. Dont plus des ¾ dévolus à la mine et à la métallurgie. Secteurs qui parallèlement bénéficient d’un traitement de faveur injuste (ex. exonération de fiscalité à l’importation sur les combustibles fossiles) et, on le déplore, porteur de mauvais signaux.

En effet, comment mobiliser le reste de la société consommatrice d’un petit quart de l’énergie avec une répartition des efforts aussi inéquitables ?

Sur cette même page 3 du rapport (et en page 8 du Schéma), l’on découvre l’année de référence pour ce STENC : 2014.

La NC pourrait donc –mais cela reste au conditionnel- stabiliser sa consommation énergétique en 2030 au niveau de 2014.

Rappelons sans rire que les états engagés dans Kyoto ont choisi comme référence l’année 1990. Nous disons ironiquement que « seulement » 25 ans séparent ces deux « origines »… En NC, on se hâte lentement et l’on place la barre très bas !

L’objectif affiché en matière d’énergies renouvelables  est de 100% d’électricité renouvelable pour la distribution publique. Lorsque l’on sait que la distribution publique représente seulement 20% de la consommation électrique, on mesure mieux la vacuité du propos…

Les émissions de GES maintenant: si l’ambition proclamée est de « réduire les émissions de GES de façon significative», le moyen avancé de moins 10% pour la mine et la métallurgie EN CAPACITE NOMINALE a de quoi faire pleurer. En effet, outre que le secteur est de loin le plus gros émetteur et que 10% c’est donc peu en chiffre absolu, la capacité nominale, c’est pour quand ?! Ayez bien en tête les difficultés de Vale et de KNS : la capacité nominale au nord comme au sud, ce n’est évidemment pas pour demain, ni même après-demain ! Les métallurgistes peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles : la NC ne leur demandera donc JAMAIS d’être vertueux en matière de GES…

Le constat est brutal : rien de commun avec l’objectif européen du « facteur 4 » (= réduction des émissions de GES de 20 % en 2020 et de 75 % en 2050) !

S’agissant de l’image de la NC, on lit page 3 du rapport ou en page 7 du STENC que « le programme de réduction de des émissions de GES doit être présenté en tant que contribution de la NC dans le cadre des accords qui seront conclus lors de la COP21. » Mais Mme Royal aurait indiqué récemment que la NC ne participerait pas à la COP21. En effet, avec de tels pseudo-engagements de la NC, on comprend pourquoi Mme Royal préfère voir la NC « rester à la maison ». Nous rejoignons Mme la ministre, la NC n’est en effet vraiment pas présentable devant une tribune internationale !

Qu’on en juge : le Costa Rica, 5 millions d’habitants, 98.7% de l’électricité d’origine renouvelable en 2015 et 100% en 2016. La NC, 269 000 hab. : 20% en 2030 ! Il y aurait de quoi rire si ce n’était à pleurer.

Une brève remarque concernant le CPE mentionné en page 7 du Schéma. Là encore, contrairement à ce qui est affirmé et malgré nos demandes réitérées, le CPE n’inclut pas de représentant de la société civile, hors élus. Comme d’ailleurs le CTME et peut-être bientôt l’Agence calédonienne de l’énergie annoncée en page 4 du rapport de présentation. De nouvelles preuves que la démocratie participative n’a pas encore atteint les rivages calédoniens…

Bien qu’il soit rappelé en page 8 que pour se placer dans la voie du DD, les priorités sont l’efficacité énergétique et le développement de l’utilisation des énergies renouvelables locales, nous observons avec regret que le volet « atténuation » de ce schéma ne dit rien de l’ineptie d’une 3° centrale 100% charbon en NC. Que d’hypocrisie !

En page 8 toujours, il est fait mention de la consultation publique relative à ce schéma. Nous aimerions connaître les résultats de cette consultation et les mécanismes de prise en compte des avis formulés. Transparence quand tu nous fuis !

On continue « dans le dur »…

Page 13 : objectif 1, « réduction de 25% de la consommation énergétique finale HORS MINE ET METALLURGIE ». Ah bon ? A quoi doit-on cet énième traitement de faveur ? Les particuliers, les collectivités, le secteur agricole et toutes les AUTRES industries sont concernés par la sobriété et l’efficacité énergétiques mais pas la mine ni la métallurgie alors même que le secteur nickel consomme 88% du total de l’énergie calédonienne (pour 17% des effectifs salariés contre respectivement 12 et 83% pour tous les autres secteurs). Le secteur nickel est un sacré veinard ! Il est vrai que sa capacité de nuisance est forte… Et pourtant dans quel « pétrin » sommes-nous « grâce » à lui !

Nous nous interrogeons donc : où est la prise en compte de l’intérêt GENERAL là-dedans ? On la cherche vainement. Nous ajoutons que les temps qui viennent s’annoncent durablement chaotiques pour les filières extractives. C’est donc l’intérêt même des acteurs de ce secteur d’engager une transition au plus tôt et nul doute que les politiques publiques peuvent aussi bien les y inciter que les absoudre. Et c’est malheureusement le deuxième scenario qui se profile en NC.

Attention, quelque chose de très très intéressant va suivre…

Page 79 : les coûts comparatifs affichés des énergies fossiles, de l’hydraulique, de l’éolien et du photovoltaïque, n’incluent ni la compensation des émissions de CO2, ni une fiscalité carbone « décente », ni éventuellement le captage-stockage du CO2, sans parler des « externalités négatives » dont les coûts en termes de santé et d’environnement mais aussi de reconstruction d’équipements privés et publics, ne reposent QUE sur la société civile et seront très vite insoutenables.

D’autre part, il est passé sous silence que les énergies fossiles de l’industrie sont DETAXEES alors que le matériel des renouvelables ne l’est pas ! Si discrimination il doit y avoir, elle doit être inverse !

La comparaison est donc largement biaisée et le procédé est malhonnête.

Il nous semble que cela est destiné à masquer l’impasse de certains choix industriels…

Pour information, nos voisins australiens qui ne sont pourtant pas des parangons de vertu en matière d’émissions de GES, affichent des coûts de revient inférieurs pour les énergies renouvelables par rapport aux sources fossiles et ce, sans fiscalité carbone.

Pages 79-80 on déplore qu’après plus de huit ans de gestation, le potentiel des « énergies  bleues » (marées, vagues, courants, chaleur…), du solaire à concentration, et celui de la géothermie profonde n’aient encore pas été évalués. Rien n’est dit non plus sur le développement de la micro production de proximité qui permet de considérables économies liées à l’absence de transport.

Page 85 : le GIEC est cité ici. On lit « la trajectoire la plus optimiste indique qu’il est toujours possible de limiter la hausse de température … à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Mais cela implique que les émissions de GES atteignent leur point culminant au plus tard en 2020, qu’elles soient réduites d’ici 2050 d’au moins 50% par rapport aux niveaux de 1990 et qu’elles continuent de diminuer ensuite ».

A rapprocher des pseudo-objectifs de la NC !

On est saisi de stupeur par le grand écart entre le propos scientifique et l’ambition de notre pays…

Page 86 : la coopération internationale, sans rire ?! Les responsables calédoniens devraient craindre que les PETI (petits états insulaires du Pacifique) ne leur lancent « Shame on you ! »…

NB : nous dénonçons le fait que le « fonds vert » soit un outil de corruption au service des états pollueurs climaticides.

Page 87 : vous dites « stratégie d’adaptation » ? Allez donc demander aux Vanuatais qui crient famine ce qu’ils en pensent… L’adaptation au Vanuatu, c’est moins x kg de poids corporel et des petites tombes d’enfants morts de faim.

L’adaptation est forcément limitée ; ne pas en attendre plus que ce qu’il est possible. Et elle est aussi forcément coûteuse. De ce fait, elle ne concerne que les nantis. Les pauvres sont à la double peine.

Aujourd’hui nous apprenons que la banque mondiale annonce 100 millions d’affamés de plus d’ici 15 ans en raison du CC.

Page 89 : dans « l’aménagement durable», il est question du Schéma NC 2025 lequel est « au point mort » et devrait le rester… Pourquoi convoquer les défunts dans ce STENC ?

Les « mesurettes » d’atténuation avancées, en agriculture par exemple, témoignent d’un conservatisme de mauvais aloi. Les auteurs n’ont pas intégré la fin des énergies fossiles, la dramatique érosion de la biodiversité, la pénurie d’eau et donc la nécessaire conversion des pratiques, particulièrement la fin de la mécanisation et des intrants…

L’étiquetage énergétique ? Nous sommes choqués de ce qu’en plus d’être taxés tous azimuts, les citoyens soient culpabilisés par tous moyens alors que les miniers-métallurgistes sont exonérés de toute responsabilité et de toute taxe.

Encore une fois, eu égard aux consommations et émissions respectives, ce n’est pas sur les premiers que doivent reposer les espoirs de transition énergétique de la NC !

S’agissant des « innovations », nous dénonçons cette croyance que science et technologie auront réponse à tout. Les Hommes ont déjà tant joué aux apprentis sorciers…

Plus factuellement, il n’est pas tenu compte dans ces pseudo-perspectives de la finitude des ressources géologiques et de l’impossible équation des ressources financières. Au niveau mondial, on a « écrémé » les ressources géologiques les plus accessibles, et chaque effort pour se procurer d’autres ressources, plus rares, moins concentrées, sera payé d’un coût énergétique –donc financier- et d’un coût environnemental encore plus fort. Et de toute façon, LA FIN VIENDRA !

Dans 50, 100 ans, à la fin du nickel, prendrons-nous la pirogue pour partir ?

Enfin, nous nous inquiétons d’avoir à nous prononcer aujourd’hui sur un texte « non opposable » (cf « rapport au Congrès page 2).

Traitons dons de l’« opposabilité »…

L’opposabilité, c’est une notion juridique qui signifie qu’un droit a été reconnu au citoyen et que ce droit peut être « opposé » à une autorité chargée de le mettre en œuvre. En langage clair, ceci peut se dire de deux façons :

  1. Le citoyen dispose de voies de recours, amiables et juridictionnelles, pour obtenir la mise en œuvre effective de son droit.
  2. La puissance publique a une obligation de résultat.

Avec un schéma opposable, le droit à la transition énergétique ne serait alors plus un simple objectif pour les politiques publiques, il deviendrait une obligation. Et celle-ci ne se définirait pas par rapport aux moyens employés, qui peuvent être divers, mais par rapport au résultat à obtenir.

Eh bien, en l’espèce, ce texte est non opposable. Il n’est créateur d’aucun droit nouveau pour les citoyens. Il n’est pas non plus créateur d’obligations de résultats pour les collectivités dont l’ambition sera forcément limitée par ce « cadre » d’une médiocrité absolue.

A quoi sert-il alors ? Sans doute à rien d’autre qu’à « faire joli », à « amuser la galerie », le tout au prix fort, pour hier, aujourd’hui et demain…

Vous l’avez compris, nous regrettons l’impuissance de la NC à se réformer et il ne peut être question pour nous, de cautionner un recueil d’orientations, dépourvu d’ambition et d’imagination, et sans obligation de résultat.

Nous voterons donc contre l’adoption de ce projet de texte.

Nous souhaitons vous rappeler l’urgence absolue qu’il y a à préserver un équilibre climatique viable pour le respect de la Vie sous toutes ses formes et le respect des cultures humaines, océaniennes notamment.

La NC doit prendre sa part des efforts à consentir, TOUTE sa part.

Elle le doit comme toutes les nations du monde.

Il est grand temps qu’elle ne se cache plus derrière ses désastreuses « spécificités »*.

Avec l’ambassadrice sud-africaine à l’ONU, Nozipho Mxakato-Diseko, nous disons que « Pour beaucoup de gens, le dérèglement climatique est une question de vie ou de mort«  et avec le Pape François que « Trouver des compromis entre le développement économique et l’environnement ne sert qu’à retarder l’échéance -de l’effondrement-. C’est un changement de paradigme qu’il nous faut ». La NC est à mille lieux de cela avec ce STENC. Mais plus tard, ce sera trop tard…

Au nom des 21 associations membres d’EPLP et de ses membres citoyens, je vous remercie de votre attention.

Pour EPLP, la Présidente

Martine Cornaille

* rappelons que l’extraction d’une ressource géologique est par définition et malgré ce que l’  « on » veut nous faire croire, NON DURABLE.

EPLP dénonce la frénésie minière de notre pays et a appelé à un moratoire général dès 2011, le temps de réaliser un bilan exhaustif de l’activité nickel du passé (bilan économique, social-sociétal, sanitaire et environnemental), d’organiser un débat citoyen sur la place de la mine dans notre pays et de se mettre à niveau, notamment en matière fiscale et réglementaire.

Alors que l’AFD dénonçait (avec nous !) en 2009 « la non durabilité du développement de la NC qui surconsomme son capital naturel », la quantité de minerai extraite a été depuis lors encore multipliée par deux (en 5 ans) et les récentes demandes concernant l’export vers la Chine conduisent à un nouveau doublement, soit un facteur 4 en quelques années !

NB : par courrier en date du 26 octobre 2015, EPLP a fait part au président du CCE, présidents du Gouvernement et du Congrès, de son souhait que la collectivité présentant un texte au CCE ne se pose pas en juge et partie et ne prenne donc pas part aux votes et ce, dès avant la révision des textes réglementant le CCE.

Par ailleurs, EPLP déplore que le CCE fasse la place à deux représentants de l’Etat alors même que celui-ci n’a plus aucune compétence en matière d’environnement.

Si l’on peut concevoir que les représentants DAFE et ADEME siègent au titre de personnalités qualifiées, il est inadmissible qu’elles prennent part via des votes à des décisions strictement calédoniennes.

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